Véronique Bacle est infirmière enseignante en santé-travail, et Céline Czuba est docteure en droit à l'université de Lille et responsable juridique du service droit-santé-travail à l'ISTNF.

 

Article publié dans Concours pluripro, octobre 2023
 

Pour l'OMS, la santé au travail s'articule autour de trois objectifs : la préservation et la promotion de la santé du travailleur et de sa capacité de travail ; l'amélioration du milieu de travail et du travail ; et l'élaboration d'une organisation et d'une culture du travail. En France, la "médecine du travail" a été créée en 1946, et sa fonction initiale, inchangée depuis, est "d'éviter que le travail n'altère la santé des travailleurs". C'est une spécialité pour les médecins, à qui on a adjoint, au gré des réformes successives, des équipes en santé-travail. Dans les années 2000, le législateur a consacré leur caractère pluridisciplinaire, en officialisant notamment la coopération "médecin-infirmière", en particulier pour le suivi de la santé des travailleurs.

La dernière réforme en date résulte de la loi du 2 août 2021 et est suivie de nombreux décrets, dont celui qui prévoit une formation obligatoire pour les infirmières : un minimum de deux cent quarante heures pour la théorie et un stage de cent cinq heures pour la pratique professionnelle (décret du 27 décembre 2022). Ces équipes interviennent dans des services autonomes (grandes entreprises privées, SNCF, EDF, RATP…) ou dans des services de prévention et santé au travail interentreprises (SPSTI). À partir de 200 salariés pour les industries ou 500 salariés pour le secteur tertiaire, une infirmière doit également être présente, qui intervient sous la responsabilité technique d'un médecin de service interentreprises.

Les trois fonctions publiques ont aussi leur médecine de prévention, dont les missions se rapprochent de plus en plus de celles définies pour le secteur privé (voir La médecine de prévention dans les trois fonctions publiques et Suivi médical professionnel d'un agent public).

 

Rôle d'alerte et de veille sanitaire

Ces équipes sont composées de médecins du travail, d'infirmières de santé au travail, d'intervenants en prévention des risques professionnels ainsi que de secrétaires, d'assistants en santé au travail, de psychologues, ergonomes, assistants sociaux, toxicologues…

Pour exercer leur mission, elles agissent à la fois sur le plan individuel et sur le plan collectif.

Sur le plan individuel :

– les visites de prévention et d'information qui font le lien entre le travail (prescrit et réel) et la santé, et explorent le vécu au travail. Le médecin du travail prescrit le suivi de santé, avec des périodicités pouvant aller de un à cinq ans. Les visites sont réalisées par les médecins ou les infirmières. En cas d'exposition à certains risques particuliers, seul le médecin assurera cette visite, qui donnera lieu à un avis d'aptitude. Une visite "intermédiaire" pourra être réalisée par l'infirmière (sans aptitude aucune). Ces visites peuvent donner lieu à des examens complémentaires (vision, audition, bilans biologiques…) et à des vaccinations (en lien avec le travail) ;
– les visites de reprise maladie (60 jours d'arrêt) ou après un accident du travail (30 jours), les visites de reprise après maternité ou maladie professionnelle, de préreprise, de mi-carrière (45 ans), de fin de carrière ou de fin d'exposition, ainsi que les visites à la demande.

Sur le plan collectif :

– les "actions en milieu de travail" : la visite des lieux de travail, les études de poste, les métrologies d'ambiance, ainsi que la participation au CSE (comité social et économique), à la CSSCT (commission santé, sécurité et conditions de travail), etc. Dans les faits, tout ce qui permet d'identifier les risques auxquels sont exposés les travailleurs, de les évaluer et de mettre en place des plans de prévention (en le consignant entre autres dans le document unique d'évaluation des risques professionnels). Elles s'assurent aussi que les préconisations du médecin du travail (aménagement de poste, restrictions, etc.) sont bien respectées ;
– les changements de process, aménagements de poste, conseils ergonomiques, ainsi que les équipements de protection individuels (EPI) ou collectifs (EPC) ;
– le rôle d'alerte et de veille sanitaire.

Le constat qui persiste depuis des années est que la santé au travail est mal connue, vécue comme une contrainte, alors qu'elle est une ressource, tant pour les salariés que pour les employeurs. Il ne faut pas hésiter à interpeller les équipes sur ces questions, qui sont pourtant régulièrement mises en lumière : augmentation des troubles musculosquelettiques, risques psychosociaux, pour ne citer que ceux-ci !

 

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