"La santé au travail est non seulement une obligation légale, mais également une composante essentielle de la stratégie de développement des entreprises, et elles en sont de plus en plus conscientes", a déclaré Jean-Paul Thonier, expert santé au travail, en introduction au colloque organisé par le Groupement santé au travail, le 26 septembre dernier, à Paris. Et "les entreprises, qui ont longtemps vécu le sujet comme une contrainte réglementaire, prennent la mesure de son importance", estime-t-il.

Pour autant, il déplore "un système sans réel pilotage, stratifié, cloisonné, difficilement lisible, et globalement peu efficace". Les missions des différents acteurs – le ministère de la Santé, les partenaires sociaux et la branche Accidents de travail et maladies professionnelles (AT-MP) de la Cnam – se chevauchent en partie au détriment de leur lisibilité. Concrètement, la santé au travail est assurée par 300 services de prévention et de santé au travail interentreprises (SPSTI). Les entreprises de plus de 500 salariés peuvent avoir des services autonomes, qui deviennent obligatoires au-delà de 2000 salariés. Ce sont ainsi environ 20 000 lieux de consultation sur le territoire avec 16 000 collaborateurs, qui suivent 15 millions de salariés et assurent 7,4 millions de visites médicales par an.

Quelle est la perception des salariés et des dirigeants sur la médecine du travail ? Une étude* réalisée par Ifop pour Groupement santé au travail, démontre que près de la moitié des salariés interrogés (49%) indiquent ne pas bien ou assez bien la connaître. Et 36% ne savent pas comment contacter la médecine du travail… S’ils identifient ses missions les plus importantes – prévention des risques professionnels, suivi des salariés à risque, amélioration de la qualité de vie au travail – 47% disent ignorer qu’elle est également en charge des campagnes de vaccination et de dépistage. Mais aussi, 69% pensent qu’un médecin du travail prescrit des arrêts maladie, et 79% qu’il délivre une ordonnance.
 


 

Visite médicale : 15% des employeurs n’ont pas eu le temps de s’en occuper…

Aussi bien les salariés (78%) que les employeurs (81%) se disent satisfaits de la médecine du travail. En revanche, lorsqu’on demande aux 19% d’employeurs insatisfaits quelles seraient les actions qu’il envisagerait pour améliorer la situation, 64% affirment ne prévoir aucune mesure, et 20% qu’ils aimeraient entreprendre des actions, mais ignorent lesquelles…

Concernant la visite d’information et de prévention (anciennement visite médicale d’embauche), à effectuer dans les trois mois suivant l’embauche, les avis divergent légèrement. Parmi les employeurs, 75% affirment qu’elle a bien été réalisée dans le délai imparti, alors que 55% des salariés affirment que la procédure a été conforme aux obligations légales.
 

 

Les raisons évoquées de ne pas avoir respecté la loi : la médecine du travail n’a pas proposé un rendez-vous dans les temps (72%), les horaires étaient impossibles à honorer par les salariés (20%), ou ils n’ont pas réussi à joindre le service (6%). Ainsi, "86% citent au moins un défaut de la part de la médecine du travail", note le rapport.

Enora Lanoë Danel, chargée d’études à l’Ifop, a, elle, insisté sur un chiffre : seuls 22% des salariés se sont tournés vers la médecine du travail pour une visite médicale non obligatoire, que ce soit à la demande de leur entreprise, de la médecine du travail ou à leur initiative. "Les professions intermédiaires et les catégories populaires en ont davantage bénéficié (respectivement 24% et 23% contre 19% des catégories supérieures), tout comme les salariés du secteur industriel (29%, +7pts vs moyenne)", note l’étude. De plus, pour les salariés comme les entreprises, la quasi-totalité de ces visites se font en présentiel (96% pour les salariés et 99% pour les entreprises). La plupart du temps d’ailleurs, celles-ci ont lieu dans les locaux de la médecine du travail (78% selon les salariés et 98% selon les entreprises). Pourtant, note l’étude, les salariés estiment être les premiers bénéficiaires de la téléconsultation dans le cadre professionnel : gain de temps (49%), réduction du temps passé en salle d’attente (32%) et flexibilité dans l’organisation du temps de travail (32%). Ils mentionnent également la rapidité de la prise de rendez-vous (27%) et le coût moindre supporté par l’entreprise (23%). Ainsi, près d’un salarié sur cinq salariés souhaite réaliser leur prochaine visite médicale en distanciel dans le cadre professionnel (18%).

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