Éditorial du Concours pluripro, octobre 2021
Elle doit cependant relever toute une série de défis pour s’imposer. D’abord, dépasser la petite difficulté sémantique liée à sa segmentation en primaire, secondaire et tertiaire – d’essence anglo-saxonne – et qui a longtemps désarçonné nombre de praticiens français ; c’est anecdotique, mais il n’est pas sûr que l’incompréhension soit complètement effacée.
Ensuite, réunir les conditions minimales de sa mise en oeuvre, ce qui est loin d’être le cas encore. En particulier, obtenir l’acquiescement de tous, population et décideurs, sur le fait que la plupart des actions de prévention relèvent du "temps long" et que les résultats qui comptent vraiment – gains d’espérance de vie et réductions de morbi-mortalité – ne sont observables qu’au terme de plusieurs années ; tout le monde n’est pas disposé à attendre… Enfin, il y a les préalables à la mise en oeuvre. Avant tout la disponibilité et la compétence. Le dossier de ce numéro de Concours Pluripro s’efforce de montrer que les regroupements pluriprofessionnels et les compétences acquises par plusieurs professions soignantes (qui doivent de surcroît pouvoir compter sur la complémentarité des travailleurs sociaux) sont le moyen de disposer du temps nécessaire et du savoir-faire indispensable à la mise en oeuvre et au suivi d’actions de prévention. Ces regroupements pluripros, idéalement responsabilisés sur des territoires, disposent en effet de la logistique et des données cliniques – via leur système d’information – pour identifier les sous-groupes de patients potentiellement bénéficiaires de telle ou telle autre action de prévention et surtout en assurer les rappels, le suivi et, chemin faisant, l’évaluation.
Reste évidemment la question triviale de la rémunération. S’agissant d’actions qui procèdent de la coopération entre médecins, soignants, travailleurs sociaux et personnels de soutien, c’est naturellement d’une rémunération d’équipe qu’il s’agit, le cas échéant bonifiée selon les résultats obtenus. Des dispositifs dérogatoires comme "l’article 51" devraient permettre de s’assurer de la pertinence et de la bonne faisabilité de cette orientation.
Pour finir, il faut avoir pleine conscience que ces actions et programmes de prévention proposés à des patients individuellement ou en sous-groupes ne seront significativement opérationnels qu’après la mise en oeuvre d’une politique "d’éducation à la santé" dynamique et conduite depuis la petite école jusqu’à produire ses effets (sur, par exemple, le comportement alimentaire ou l’activité physique). La route est longue…