Voilà bien un sujet rémanent, en réalité à l’échelle de l’ensemble des pays bénéficiant d’un système de santé développé ; y compris dans sa mise en œuvre, en particulier par les praticiens de premier recours (dénommés, selon les interlocuteurs, de proximité ou bien de soins primaires). Et sur ce sujet, la question est désormais posée de savoir si l’exercice pluriprofessionnel, coordonné, pourrait favoriser la mise en œuvre de programmes ou simplement d’actions de prévention aux échelons individuel ou plutôt populationnel. Cette question peut paraître novatrice ; en fait il n’en est rien. Ainsi, dans un numéro du British Medical Journal (BMJ) de décembre 1984, voilà plus de trente-cinq ans, des auteurs (pluriprofessionnels) du Radcliffe infirmary hospital d’Oxford (Royaume-Uni) – là même d’où allait émerger quelques années plus tard l’evidence-based medicine ou nursing – publiaient l'article Facilitating prevention in primary care. Leur propos, dans le contexte britannique du NHS, était double : d’une part, énumérer les "atouts" des praticiens du premier recours et, d’autre part, faire le constat des obstacles à écarter. Les atouts sont bien connus et restent de pleine actualité : proximité, crédibilité et écoute/bonne connaissance des patients sont autant d’opportunités pour des approches éducatives et préventives ; les obstacles également semblent perdurer, avant tout la surcharge de travail et aussi une sorte de "manque de familiarité" des praticiens avec les approches préventives et éducatives, sur lequel les exhortations quasi permanentes des autorités sanitaires pour développer la prévention n’ont guère d’effets.

Un coach/facilitateur auprès du GP

Devant cette situation, les auteurs de 1984 avaient alors avancé une proposition plutôt innovante pour l’époque : il s’agissait de déléguer auprès des general practitionners (GP ; et en réalité auprès des infirmières qui souvent travaillaient déjà en duo avec les GP) pendant une période transitoire un coach/facilitateur, avec mission de préparer et d’aider à mettre en œuvre des actions et programmes de prévention. Cette initiative avait été couronnée de succès (également marquée par plus de 160 citations de l’article dans la littérature internationale). Ainsi, des programmes pour la réduction du tabagisme, pour un meilleur contrôle de la PA et pour réduire le surpoids, avec des résultats probants à douze mois, avaient été réalisés en aval de la mission du coach/facilitateur (cette mission était d’ailleurs précisément détaillée par les auteurs et 35 années plus tard, elle mériterait d’être relue). Nombre de coordonnatrices(eurs) opérant dans nos regroupements pluripros depuis maintenant deux à trois ans s’y reconnaitraient volontiers… et les infirmières Asalée/IPA aussi.
Deux autres publications peuvent être utiles pour mieux documenter les avantages de l’exercice pluripro quand il s’agit de mettre en œuvre des approches préventives. D’abord sur le site de l’AHRQ américaine (Agency for Healthcare Research and Quality), un module consacré à l’exercice en équipe et qui fournit des clés (y compris en iconographie) et répertorie une série d’"evidences"* en faveur de ce mode d’exercice, particulièrement quand il s’agit de développer des pratiques préventives. Ensuite, sous la plume d’auteurs américains de l’Amérique profonde (Caroline du Sud et Ohio) qui commentent une étude menée en Israël et mettent en exergue les potentialités de l’exercice pluripro. L’étude avait comparé trois modes d’exercice (médecin en solo, duo médecin-infirmière et exercice en équipe pluripro) et montré les actions et services préventifs mis en œuvre et les résultats cliniques obtenus, le tout très en faveur de l’exercice pluripro. Cela devrait finir par se savoir…

* L’"evidence" anglais signifiant la ou les preuves, et non pas l’évidence du français, comme il est encore trop souvent abusivement traduit.
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