Quel parcours vous a amenée à prendre la direction des risques professionnels ?

J’ai un parcours très institutionnel. J’ai commencé ma carrière à la Sécurité sociale il y a plus de vingt ans, et j’y suis restée car je suis très attachée à ses valeurs. J’ai débuté à la branche retraites, puis j’ai rejoint la Cnam en 2011. Depuis 2016, j’occupais le poste d’adjointe de l’ancienne directrice des risques professionnels.

Quelles sont les missions de votre branche ?

Elle existe pour protéger la santé au travail. Elle a notamment trois missions : la prévention et la réduction des risques, l’indemnisation et l’accompagnement des travailleurs en cas de préjudice, et la tarification (l’établissement des taux de cotisation des entreprises). Pour la réalisation de ces missions, elle est placée sous la double tutelle des ministères de la Santé et du Travail, avec une gouvernance paritaire entre des représentants des employeurs et des salariés.

Quels sont les axes stratégiques actuels ?

Ils ont été définis avant mon arrivée, puisque nous fonctionnons par conventions d’objectifs et de gestion (COG), et la convention actuelle court de 2018 à 2022. Ils prolongent et approfondissent des orientations prises pour les COG précédentes : les troubles musculosquelettiques (TMS), les risques chimiques et les risques de chutes en hauteur. Nous allons donc poursuivre nos actions sur ces sujets. Pour la COG à venir, nous continuons notre analyse statistique des risques et des dépenses, afin d’adapter notre action. Mais d’ici deux ans, les risques seront sensiblement les mêmes, et donc les orientations stratégiques aussi.

Quelle est votre démarche pour la réduction des TMS ?

Les TMS représentent presque 90 % des maladies professionnelles. Nous avons lancé un programme, TMS Pros, qui a été conçu en fonction du risque, avec une démarche par secteur. Les caisses régionales ciblent les entreprises dans lesquelles le risque de TMS est le plus élevé. Le programme se découpe en plusieurs étapes : une phase de dialogue avec les services de prévention et les entreprises, une phase de mise en action, et une phase d’évaluation des résultats. Un site internet a été créé afin de proposer un suivi et de mettre à disposition des outils, notamment en termes d’aide financière à la formation ou à l’investissement en matériel. Pour l’instant, environ 7 000 entreprises ont franchi l’étape 1, et 4 000 sont arrivées à la phase d’évaluation.

Observez-vous des résultats ?

C’est intéressant, car le programme a été initié en 2014, et nous avons un peu de recul pour évaluer son impact. Nous avons constaté une diminution sensible de la fréquence de survenue : elle était de 5,8/1 000 en 2014, et de 5,1 en 2020.

Et pour les autres axes stratégiques ?

Le programme de prise en charge des risques chimiques est conçu de la même manière que TMS Pros, avec une relation d’accompagnement individualisé, un portail internet dédié et un accompagnement financier à la prévention.

Pour la prévention des chutes, l’approche est différente. Nous nous attachons à accompagner les maîtres d’ouvragesur plusieurs volets : la sensibilisation des entreprises dans le secteur du BTP, l’investissement dans des moyens de protections individuels ou collectifs, etc. Nous accompagnons 1 200 chantiers.

Qu’est-ce que la crise du Covid a changé cette année ?

Les missions de la branche restent les mêmes : prévenir et indemniser. Nous ne pouvons pas nous permettre de suspendre notre activité, car quand il s’agit de prévention, il n’existe pas de stop and go. Dans ce contexte économique et sanitaire particulier, nous avons dû mettre en place des actions spécifiques.

En mai 2020, la subvention « Prévention Covid » pour les TPE et PME a été créée. Elle est destinée à réduire l’exposition des salariés à la transmission du virus par l’investissement dans du matériel ou dans des installations et des locaux temporaires. Elle a, par exemple, permis d’investir dans des équipements en Plexiglas, ou du matériel lié à la gestion des foules. L’audience a été extrêmement forte : entre mai et septembre, nous avons reçu 40 000 demandes (voir ci-contre).

Pour la prévention, nous avons aussi travaillé avec l’INRS afin de publier rapidement des guides métiers et des protocoles visant à freiner la transmission. Sur le volet des réparations, nous avons travaillé à la reconnaissance du Covid-19 comme maladie professionnelle. Nous tentons de coordonner les différents acteurs impliqués dans la prévention de ces risques.

Quelles conséquences sur votre travail ?

Le premier confinement a été très impactant sur le maintien de l’activité, surtout en l’absence de protocoles établis. Nous avons suspendu les visites sur site, et adapté notre action, en misant sur la communication dématérialisée ou sur des webinaires. L’objectif était de garder un contact le plus étroit possible avec les salariés. La crise sanitaire nécessite également un gros travail d’analyse des nouveaux modes de travail. L’INRS, qui propose un corpus documentaire sur les risques professionnels et en matière de prévention, a procédé à une mise à jour de ses recommandations et a travaillé pour en publier de nouvelles. Sur les risques en lien avec le Sars-CoV-2, mais pas uniquement.

Il a fallu revoir celles concernant le télétravail, par exemple. Les caisses régionales ont aussi été sollicitées. Pour treize secteurs (commerces alimentaires, transport, logistique, agro-alimentaire, intérim, etc.), elles ont dû élaborer le plan de reprise de l’activité en juin dernier.

Quel contact avez-vous entretenu avec les entreprises ?

Les subventions spécifiques allouées nous ont permis d’entrer en contact avec des entreprises qui nous sont d’ordinaire moins accessibles, comme des TPE ou des indépendants. Ce sont des structures qui, habituellement, connaissent moins la branche et ses services, et les procédures. J’espère que ce contact sera durable.

De manière moins prévisible, les entreprises dont l’activité a été suspendue ou ralentie pendant la crise ont réinvesti du temps dans les démarches administratives sur la prévention, sur les risques professionnels, etc. Elles ont consacré du temps à l’exploration et à la recherche d’aides, sur des sujets hors Covid.

Comment la branche des risques professionnels a-t-elle pu absorber les dépenses exceptionnelles liées au Covid-19 ?

L’enveloppe spécifique destinée aux entreprises a été réévaluée de 15 millions d’euros en 2020, au prix de négociations spécifiques. Elles ont notamment permis de financer la subvention « Prévention Covid ». La crise semblant se prolonger, il faudra trouver de nouveaux moyens d’accompagner les entreprises.

Quelle est votre vision personnelle pour votre mandat ?

La branche des risques professionnels est la plus petite, et la moins connue de l’Assurance maladie. Elle est pourtant fondamentale, et il y a un enjeu important en termes de notoriété. Je m’attache à montrer que cette branche est ancrée dans la réalité du monde du travail, ce qui nécessite de faire preuve de capacités d’évolution et d’adaptation, notamment pour accompagner celle des modèles professionnels. Nous devons nous placer dans une démarche assurantielle, et inciter à la prise de contact lorsque la sinistralité pose problème.

Je vais également travailler pour accompagner la dématérialisation. En 2020 – et ce n’est pas lié uniquement à la crise du coronavirus –, nous avons diversifié les canaux de communication. Que ce soit par le site, par le suivi en ligne des risques spécifiques, de la sinistralité ou encore dans la réalisation d’actions de prévention. Il faut continuer de développer une relation de service. Des groupes d’usagers sont d’ailleurs consultés pour l’améliorer. Il faut poursuivre cet effort, qui nous permet d’avoir des relations plus fluides avec les entreprises, moins administratives.

La subvention Covid victime de son succès

Le 2 décembre 2020, l’Assurance maladie annonçait la fin de l’aide financière destinée aux PME et aux TPE pour leurs investissements liés à la protection de leurs employés face au Covid-19. La plateforme a été clôturée en raison d’un trop grand nombre de demandes. L’enveloppe dédiée à cette subvention exceptionnelle, portée à 50 millions d’euros, a en effet été épuisée par le grand nombre de demandes.

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