Article publié dans Concours pluripro, janvier 2024
 

En octobre 2014, Léa Moukanas perd sa grand-mère d'un cancer. "Alors qu'elle était en traitement, ça m'avait beaucoup marquée de voir qu'il y avait des jeunes du même âge que moi, avec la même pathologie qu'elle, et qu'ils partageaient parfois les mêmes chambres." En janvier 2015, du haut de ses 15 ans, elle fonde l'association Aïda : "C'était avant les vagues d'engagement Greta Thunberg. On était un peu la génération 'canapé'. C'était l'époque anxiogène des attentats et des plans Vigipirate, et je pense qu'on avait tous envie de faire quelque chose d'un peu concret. On ne savait pas trop par où commencer parce que c'est très difficile de s'engager quand on a moins de 18 ans. Quand on arrive dans un centre hospitalier en disant 'Je veux faire quelque chose', les réponses souvent, c'est 'Fais médecine dans trois ans et après tu pourras faire quelque chose'...." Léa Moukanas est alors en classe de seconde et décide que si elle ne peut pas s'engager véritablement dans une association, elle va créer la sienne. Mais tout n'a pas été simple. "On a mis un an et demi à monter la première convention de partenariat avec un hôpital. Mais dès qu'on a fait une intervention et qu'on a eu des retours positifs, les jeunes et les soignants ont vu qu'on apportait cet élan de fraîcheur, qu'on arrivait à recréer un espace où on est jeune avant d'être malade."

Aïda, "c'est le point de rencontre entre des citoyens ayant en moyenne 19 ans et qui n'ont pas forcément un lien avec la maladie mais qui veulent s'engager et faire quelque chose de concret et d'utile pour notre système". Mais l'un des freins rencontrés est souvent la question de la légitimité. "C'est très dur de se sentir légitime quand on a à peine la vingtaine", affirme-t-elle. Se pose aussi la question de la connaissance du système de santé et des droits des usagers, et pour cela "il faut outiller les jeunes, car ils sont capables de répondre aux problématiques", assure-t-elle. Ces jeunes pourraient même jouer un rôle crucial dans les instances de représentation des usagers. "Pour parler de jeunesse, il faut des jeunes autour de la table. Et pas simplement des jeunes alibis, mais des jeunes partenaires de ce qu'on est en train de construire. Car au même titre que le reste de la population, les jeunes ont le droit d'être représentés par des gens qui leur ressemblent. C'est très dur d'avoir en face de vous des gens déconnectés de vos problématiques et de votre réalité." Représentante des usagers dans plusieurs hôpitaux, Léa Moukanas se dit marquée par ce décalage.

Trop de jeunes passent encore entre les mailles du filet, et se retrouvent isolés
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