Article publié dans Concours pluripro, avril 2021

Le numérique – et ses nombreuses applications – est en train de transformer l’exercice de l’ensemble des professionnels de santé… et aussi la vie quotidienne de leurs patients. On ne s’en rend pas vraiment compte. La diversité ou la multitude des applications disponibles, leur pertinence ou leur médiatisation inégales et, pour tout dire, la frilosité des instances professionnelles ou des pouvoirs publics (alors que, sur le terrain, les professionnels n’ont guère de temps à consacrer à l’innovation) masquent la puissance de l’évolution en cours.

En voici cependant deux exemples simples, déjà presque anciens (certes américains, mais les pays scandinaves ou l’Australie, entre autres, ont des réalisations comparables). Le premier est un programme du Kaiser Permanente* initié en 2001 afin de mieux contrôler l’hypertension artérielle (HTA). Un article du Journal of Clinical Hypertension, publié en 2016, en fait le bilan ; un autre du New England Journal of Medicine en 2020 en fait un benchmark pour un système de santé efficace.

En 2001, à peine 40 % des hypertendus affiliés au Kaiser étaient équilibrés. Dès 2013 et encore aujourd’hui, ce sont 90 % des hypertendus qui sont équilibrés (pour des effectifs importants, plus d’un quart des adultes affiliés). Ce résultat a été obtenu en motivant les équipes soignantes sur trois points : l’identification des hypertendus, l’algorithme de traitement et le feed-back des valeurs tensionnelles… Le tout résultant du bon usage du dossier électronique partagé, complété par le suivi par un travailleur social auprès du patient et d’une prise médicamenteuse unique en vingt-quatre heures. On peut ajouter que, dans le même temps, la létalité par accident vasculaire cérébral (AVC) parmi les affiliés au Kaiser a chuté de 42 %.

 

Télémonitoring et management par le pharmacien

Le second exemple provient de Health Partners, une autre organisation de soins intégrés (celle-ci non lucrative) opérant dans l’État du Minnesota et couvrant environ 2 millions de sujets. Là aussi, les patients hypertendus non contrôlés ont été screenés à partir des données du dossier numérique, en excluant les insuffisances rénale et cardiaque, les HTA secondaires et les cardiopathies ischémiques évolutives. Dans le cadre d’un essai randomisé, ils ont ensuite été affectés à un groupe "soins usuels" avec leur médecin traitant, ou à un groupe "intervention" où leurs valeurs tensionnelles, mesurées au domicile six fois par semaine, étaient télétransmises à un pharmacien chargé d’un suivi personnalisé hebdomadaire, puis mensuel, dans le cadre d’un protocole établi avec le médecin traitant. Et tout ceci pendant une année. Au-delà, la surveillance des hypertendus des deux groupes s’est prolongée sur quatre années supplémentaires dans le cadre des "soins usuels".

Les résultats sont en faveur du groupe "télémonitoring et management par le pharmacien", avec une réduction significativement plus importante des pressions systolique et diastolique : à 6 et 12 mois bien sûr (et même à 18 mois, alors que l’intervention avait pris fin). À noter cependant que les valeurs de pression redeviennent équivalentes entre les deux groupes à 24 mois de suivi.

 

NOTE
*
Organisation de soins (hospitalier et ambulatoire) à laquelle sont affiliés plus de 15 millions d’Américains. Elle est reconnue pour son excellence, grâce à son système d’information qui fait que les professionnels sont bien coordonnés et que chaque patient affilié bénéficie d’un dossier médical partagé et donc d’un suivi qui peut être optimal.

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