Bien que la promotion de la santé au travail figure dans la stratégie nationale de santé, les priorités de prévention qui viennent d’être adoptées par le comité interministériel pour la santé ne comportent aucune mesure dans ce domaine. Responsabilité première des employeurs, la santé au travail peine à trouver sa place dans la politique publique de santé. Pourtant, les indicateurs de santé au travail stagnent. L’insuffisance de prévention des expositions professionnelles est une des causes de la mortalité prématurée avant 60 ans et les inégalités sont parmi les plus fortes en Europe. La santé au travail est véritablement la lanterne rouge de la santé publique. Comment y remédier ?

On ne peut plus espérer de résultats substantiels provenant d’un renforcement du médical, du juridique ou du technique (inspection et assurance), les trois piliers sur lesquels s’est construite la santé au travail depuis soixante-dix ans. Il faut résolument investir dans la santé dans les entreprises en en faisant un facteur de productivité. Ce n’est pas une vue de l’esprit. De nombreuses études montrent un important et rapide retour sur investissement des actions de prévention. Pour que la santé soit enfin reconnue comme un enjeu stratégique pour les entreprises et pour la société, misons sur un changement de culture et sur des actions de prévention qui formeront un nouveau modèle de pratique. Sans vouloir décharger les employeurs du financement de la santé au travail, on pourrait créer un "crédit impôt prévention" (dans l’esprit du crédit impôt recherche) pour bien signifier aux employés, aux employeurs et à la société (l’Assurance maladie) qu’ils ont tout intérêt à développer la prévention dans les entreprises.

Certes, il existe déjà des incitations financières à ces actions de prévention, mais elles sont ponctuelles, partielles et méconnues. Ce serait un signal fort en faveur de cette nouvelle culture à condition de le piloter au-delà des clivages habituels entre l’État, la Sécurité sociale et les entreprises. Ce crédit serait consenti aux entreprises qui développent des programmes de prévention répondant à un cahier des charges rigoureux (avec évaluation des objectifs). Il pourrait couvrir la moitié du coût des actions préventives. Dans ce jeu gagnant-gagnant, on réconcilierait les valeurs santé et travail. Un enjeu majeur pour la santé publique comme pour la santé économique.

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