D’après la conférence du 6 juin 2019 de Benoît Vallet, ancien Directeur général de la santé, aujourd’hui conseiller-maître à la Cour des comptes, à l'occasion du cycle 2019 de la Chaire santé SciencesPo "Des outils pour faire évoluer le système de santé"

L’avenir des CHU est peu évoqué dans le projet de loi de santé en cours de débat parlementaire, mais les six conférences hospitalo-universitaires* leur ont consacré, en décembre 2018, le rapport "Le CHU de demain", à l’origine de 23 propositions autour de la synergie avec l’université, la responsabilité territoriale conjointe, le copilotage de la politique territoriale de formation en santé, la rénovation de l’exercice et des carrières, la recherche en santé.

La Cour des comptes, dans le premier volume de son rapport au Sénat de décembre 2017, critique leur rôle dans l’enseignement supérieur et la recherche, en particulier l’insuffisante coordination de la recherche en santé ; dans le deuxième volume de décembre 2018 sur leur rôle dans l’offre de soins, auquel Benoît Vallet a participé, elle pointe l’hétérogénéité et l’essoufflement des CHU. Hétérogènes, ils le sont par leur taille, du gigantisme de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) avec un budget de 7,3 milliards d’euros (soit 26 % de l’ensemble de l’activité des CHU) jusqu’au plus petit, à Pointe-à-Pitre, au budget de 325 millions d’euros. Par la dynamique de leur croissance d’activité (de 2011 à 2017, + 26,5  % au CHU de Dijon, du fait de la fusion et absorption d’établissements, +1,7 % au CHU de Bordeaux). Par leur manière de travailler, par exemple pour l’activité greffe, et par la progression de l’activité ambulatoire (prononcée au CHU de Nancy).

Leurs activités de proximité étant sans spécificité par rapport aux autres établissements de santé, les CHU peuvent être caractérisés par des activités retrouvées dans plus de 75 % d’entre eux, et aussi par le recours exceptionnel défini par le périmètre des missions d’enseignement, de recherche, de référence et d’innovation (MERRI) ou par leur offre spécialisée autour du Plan maladies rares. Ils sont aussi remarquables par la grande diversité de leurs prises en charge comptant un volume significatif de séjours (150 à 200 "racines de Groupements homogènes de malades" pour 80 % de leur activité) par rapport à celles proposées par les CH (100 à 150) et surtout par les établissements de santé privés lucratifs (< 100) ou d’intérêt collectif, Espic, ou les Centres de lutte contre le cancer, CLCC (< 75), dont les activités sont relativement "monomorphes" mais pour des volumes parfois quintuplés par rapport au public (endoscopie digestive, cataracte, urologie, cardiologie interventionnelle,…). Autre fait notable, la croissance d’activité aux urgences de 100 % en vingt ans, liée probablement en partie à la disparition de l’obligation de gardes des médecins généralistes (en 2003), remarque Benoît Vallet.

La tarification à l’activité (T2A) ne contribue que pour une "grosse moitié" du financement des CHU, le reste revenant aux forfaits (MIG-MERRI, ou crédits non reconductibles par les ARS). La capacité d’autofinancement n’a fait que baisser avec la régulation par l’Ondam qui s’exerce au prix de la limitation des investissements et d’une forme de paupérisation, et de la non-valorisation des salaires des soignants. "Sans parler d’hémorragie, on peut s’inquiéter de la perte d’attractivité des carrières hospitalo-universitaires pour les médecins." 

Favoriser la coopération entre CHU

La loi de modernisation du système de santé du 26 janvier 2016 oblige les établissements à se constituer en groupements hospitaliers de territoire (GHT). Le rapprochement (codirections), voire la fusion, des établissements peut opérer une re-répartition des compétences… Un méga-hôpital, comme le CHU de Poitiers et ses "partenaires associés", facilite la répartition et la gestion des activités médicales les plus lourdes, le maintien du personnel, le partage des investissements. Les GHT (au nombre de 139 fin 2017, dont seulement 29 avec des CHU), eux aussi hétérogènes, peuvent inclure de 2 à 20 établissements, avec ou sans CHU et excluent les établissements privés ("pourquoi ne pas inclure ceux qui font de la recherche ou de la formation ou des missions de service public ?", interroge Benoît Vallet).

Restant juridiquement mal défini, cet outil peu commode à la gestion au service du groupement est insuffisamment porté par les CHU, l’AP-HP en est privée en raison de sa taille. Pourtant, la région Auvergne-Rhône-Alpes, AuRA (qui compte 4 CHU : Grenoble-Alpes, Clermont-Ferrand, Saint-Étienne, et les Hospices civils de Lyon) voit les établissements s’organiser en réseau de CHU et réfléchir à la manière de travailler ensemble pour la coordination de la recherche (au niveau européen), l’attractivité de la formation et du parcours HU, les systèmes d’information, la mise en commun des données de santé, voire la gradation des soins entre les GHT ou du recours exceptionnel.

Une mise en réseau des CHU ? Cette solution, sans suppression de sites, et de gouvernance légère, est préconisée par la Cour des comptes pour renforcer les CHU, leur donnant une certaine homogénéité de taille, de volume d’activité, de type d’offre de soins et laissant à chacun la possibilité de développer son excellence au service du réseau. La Cour a ainsi identifié 8 réseaux nationaux, dont AuRA et le réseau HUGO (Hôpitaux Universitaires du Grand Ouest), un bel exemple qui agrège, pour 3 régions, CHU, CH et CLCC. Et si l’AP-HP devenait un réseau de CHU ? Cela ne favoriserait-il pas une plus grande "autonomie de ses CHU constitutifs", et une possible constitution de GHT autour de chacun d’eux ?

*Directeurs de CHU, présidents de CME de CHU, présidents d’université, doyens des facultés de médecine, de pharmacie, et de chirurgie dentaire.

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