Article publié dans Concours pluripro, mars 2024
 

Il y a un an, François Braun, ancien ministre de la Santé, lançait le défi des 4.000 maisons de santé à l’horizon 2027. Vous êtes plutôt confiants ?

Patrick Vuattoux : Au 31 décembre 2023, on comptait déjà 2 501 MSP en fonctionnement. Donc oui, on est plutôt confiants… mais ce n’est pas notre objectif final. C’est une étape dans la bascule qui s’opère, une étape pour que notre offre de santé définisse les équipes de proximité coordonnées (maisons et centres de santé) comme la plus petite entité, au-delà du médecin, de l’infirmière ou de l’équipe de soins primaires. D’ailleurs, cette ESP n’est qu’une étape dans la genèse d’une MSP. On ne peut s’en contenter, parce que, sans coordination ou fonctions support, l’ESP ne remplit pas toutes les attentes… Et on l’a vu pendant la crise sanitaire : les MSP ont su s’organiser, s’adapter et cristalliser les solidarités sur les territoires. Ce défi des 4 000 MSP, il nous est lancé à tous, professionnels de santé, ARS, CPAM, conseils régionaux et départementaux, élus locaux… C’est notre histoire à tous.

Emmanuelle Barlerin : Oui, on est confiants, mais seulement si on arrive à la bascule vers l’équipe traitante ou référente et qu’on nous donne les moyens d’aller plus loin.

 

Justement, que peuvent, ou doivent, faire les pouvoirs publics pour vous aider en ce sens ?

P. V. : D’abord, il est impératif que les équipes puissent s’appuyer sur un coordinateur dès la phase d’ingénierie de projet d’une MSP, parce que les professionnels de santé n’ont ni le temps ni toutes les compétences pour jouer les chefs de chantier. Ensuite, il faut considérer l’équipe dans son entièreté. Par exemple, la formation universitaire, ce n’est pas le médecin généraliste maître de stage ou l’infirmière, mais c’est l’équipe comme référente. Il faut une reconnaissance de l’équipe, et de la MSP comme lieu de stage. Mais également assurer la pérennité du projet de santé en cas de départ d’un médecin ainsi que la responsabilité limitée des associés de la MSP.

Il faut aussi travailler sur les modèles économiques. Aujourd’hui, certains se battent pour la revalorisation à l’acte. AVECsanté a été plutôt absente de ces débats parce que l’acte concerne chaque profession individuellement alors qu’on prône, nous, une approche collective. On veut une amélioration, une revisite de l’ACI et, plus largement, des modèles économiques, pour que la proportion de l’acte soit un peu moindre que ce qu’elle est aujourd’hui. On arrive donc sur des notions de forfaitisation, de capitation totale ou partielle, etc. Mais l’essentiel, ce n’est pas de se battre pour un modèle quelconque mais de donner le choix aux équipes et de ne pas les enfermer. Parce qu’en choisissant un modèle économique qui nous semble idéal, on fait fi des expériences locales. Il faut avoir une vision plus globale : chaque territoire, chaque bassin de proximité, chaque équipe doit pouvoir se réaliser et atteindre les objectifs de son projet de santé grâce à un modèle économique au service de son fonctionnement.
 

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E. B. : Une palette de peintre où chacun crée sa propre toile : c’est ainsi que je vois l’ACI, avec différentes possibilités. Mais il faut qu’on nous les donne ! Aujourd’hui, on nous donne des miettes ou alors des expérimentations "article 51"… Alors que dans mon équipe, je n’aurai pas les mêmes besoins que Patrick, par exemple. Ce qui semble assez simple à comprendre ! Si on arrive à mettre tout ça en place, alors, oui, l’objectif des 4 000 MSP – et d’ailleurs, peu importe le chiffre – comme celui de pouvoir mieux répartir l’accès aux soins se réaliseront automatiquement. Car il y aura cette envie d’aller vers telle ou telle équipe parce que ça correspond à son identité et sa vision.

P. V. : Prenons ces "articles 51", dont beaucoup arrivent au stade de l’évaluation. L’"article 51", c’est une mine d’or, et j’espère que les pouvoirs publics ont cette capacité de synthèse et de discernement pour voir ce qu’il est bon d’en tirer et ce qu’il faudrait laisser ou adapter. Notre MSP porte un projet Ipep (incitation à une prise en charge partagée), et il y a des choses très intéressantes et des repères qui naissent de ça. Quand on parle de modèles économiques, il faut qu’on puisse s’inspirer de ces expériences-là. L’Ipep, ça a un côté efficience-qualité, une sorte de Rosp d’équipe, comme un bonus avec lequel tu fais plein de trucs !

L’ACI amène le confort du "travailler ensemble"
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