À la question "faut-il privilégier les vaccinodromes permettant une vaccination de masse ou les centres de vaccination de proximité ?", les professionnels de santé semblent plutôt unanimes : les deux structures sont possibles, car les retombées sont différentes, notamment en fonction de la population visée.

Pour autant, la démarche adoptée par les tutelles est loin de satisfaire les acteurs de terrain. "Nous sommes davantage opposés à la façon de faire qu’à la mise en place des vaccinodromes", reconnaît Thierry Pèchey, infirmier libéral à Essey-les-Nancy et responsable du centre de vaccination de Saint-Max, l’une des quatre structures créées par les professionnels libéraux dans le cadre de la communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) de la métropole nancéenne. "Nous avons démarré avec nos faibles moyens pour faire fonctionner nos centres, avec peu de doses, et nous percevons seulement maintenant les premiers financements de la part de l’ARS, après avoir dû remplir de nombreux dossiers, dénonce l’infirmier. Et en parallèle, l’État a donné beaucoup de moyens pour le déploiement des vaccinodromes, desquels nous sommes écartés."

 

Nous sommes davantage opposés à la façon de faire qu’à la mise en place des vaccinodromes

En effet, la préfecture a demandé au service départemental d’incendie et de secours (SDIS) de prendre le relais sur l’un des quatre centres de vaccination mis en place à l’origine par les libéraux. "Ils arrivent sur leurs grands chevaux, estimant mieux faire que nous", regrette Thierry Pèchey, favorable à la vaccination de masse "pour aller vite et éviter les variants". Mais un travail conjoint aurait pu – et dû – être privilégié, chacun pouvant mettre ses compétences au service des autres. "Il est évident que pour la logistique, le SDIS sait mieux faire que nous, reconnaît-il. Mais pour la vaccination en tant que telle, ils pourraient se reposer sur nous."

(photos prises au vaccinodrome Douai Gayant Expo par François Greuez)

 

vaccinodrome Grand Douai-1
vaccinodrome Grand Douai-2
vaccinodrome Grand Douai-3
vaccinodrome Grand Douai-4
< >

Le choix des tutelles critiqué

De telles transformations d’un centre de proximité en vaccinodrome sont souvent imposées par les tutelles, comme l’explique le Dr Pierre de Haas, médecin généraliste dans une MSP à Pont d’Ain (Auvergne-Rhône-Alpes), qui a été contraint par l’ARS, d’en créer un. "Comme nous ne sommes pas organisés en CPTS, l’ARS nous a reproché de ne pas avoir de vision territoriale des besoins, explique-t-il. De fait, pour pouvoir vacciner les patients du territoire et disposer de vaccins Pfizer, nous avons dû ouvrir un centre de vaccination plus important que notre MSP." Ce centre couvre désormais un territoire de 100 000 personnes, en parallèle des patients pris en charge au sein de la maison de santé. 

Un avis que partage Saliha Grévin, pharmacienne et co-présidente de la CPTS Grand Douai (Hauts de France), car deux des centres de proximité mis en place dans le cadre de la CPTS sont transformés en vaccinodrome, qui deviendra exclusif à partir du 10 mai, à la demande de l’ARS. "Généralement, les vaccinodromes sont portés par des centres hospitaliers ou par des SDIS, mais comme nous sommes exclusivement libéraux, le terme ne nous est pas accordé, ni les financements qui vont avec, avance-t-elle. Pourtant, nous sommes mobilisés depuis le 9 janvier ! C’est irrespectueux de notre travail et de notre organisation car nous allons désormais offrir 16 lignes de vaccination."

 

"Aller vers"

S’il est favorable aux vaccinodromes pour "aller vite et éviter les variants", Thierry Pèchey plaide pour le maintien des centres de proximité afin de permettre tout de même la vaccination aux personnes âgées, aux patients qui peuvent difficilement se déplacer ou encore à ceux qui ne veulent pas se rendre dans un vaccinodrome. "Car la vaccination des personnes âgées par exemple, implique une certaine organisation, rappelle-t-il. La marche en avant, telle que prévue dans les vaccinodromes qui sont également très grands, ne leur convient pas nécessairement. Et les personnes âgées apprécient les centres de proximité où elles retrouvent leur médecin ou leur infirmière."

 

Les vaccinodromes ciblent davantage les jeunes ou les actifs

Pour l’heure à Nancy, les centres de proximité poursuivent leur action et réservent des créneaux pour les patients identifiés par la CPAM ou par les centres communaux d’action sociale (CCAS), qui mettent des bus à disposition pour faire venir les patients. Les libéraux sont aussi en train de déployer le concept de "l’aller vers" avec plusieurs dispositifs complémentaires : des centres de vaccination éphémères d’une demi-journée par semaine dans des communes n’ayant aucun centre de vaccination ou le déplacement d’un binôme médecin/infirmière dans des salles associatives au pied des immeubles ou au domicile des patients dans les territoires les plus précaires. "Les vaccinodromes ne permettent pas cette démarche, estime Thierry Pèchey. Ils ciblent davantage les jeunes ou les actifs. C’est pour cela qu’ils sont complémentaires."

 

Une réponse adaptée à la demande

Pour autant, Saliha Grévin estime que l’évolution des deux centres de proximité en vaccinodrome à Gayant Expo Concert – un espace à Douai doté de grandes salles pour l’organisation de concerts, de foires, de concours – permet à la fois aux professionnels libéraux de vacciner en masse, en toute sécurité, et de répondre à la demande : "Les centres de proximité nous ont permis de vacciner les personnes âgées et les personnes ne pouvant pas se déplacer mais maintenant que nous passons à des âges plus jeunes, à une population plus mobile, le vaccinodrome me semble plus adapté." D’autant plus qu’une équipe mobile est maintenue pour poursuivre les vaccinations de proximité. "Jusqu’à présent, les deux niveaux étaient utiles mais je pense qu’il faut évoluer avec la demande", ajoute-t-elle, précisant réfléchir à la mise en place d’un drive.

 

 

RETOUR HAUT DE PAGE