Article publié dans Concours pluripro, septembre 2022

L’article R4124-3-5 du code de la santé publique stipule qu’"en cas d’insuffisance professionnelle rendant dangereux l’exercice de la profession, la suspension temporaire, totale ou partielle, du droit d’exercer est prononcée par le conseil régional ou interrégional pour une période déterminée, qui peut, s’il y a lieu, être renouvelée." Une insuffisance qui peut être soulevée par un patient, lequel peut saisir le conseil départemental de l’Ordre, mais aussi par le Conseil national de l’Ordre des médecins (Cnom) ou encore le directeur général de l’agence régionale de santé (ARS).

La suspension éventuelle d’exercice ne peut être prononcée que sur la base d’un rapport d’expertise établi par trois médecins qualifiés dans la même spécialité que celle du praticien concerné : le premier désigné par l’intéressé, le deuxième par l’Ordre et le troisième par les deux premiers experts.

Les experts procèdent ensemble à l’examen des connaissances théoriques et pratiques du praticien mis en cause.

Le rapport d’expertise doit indiquer les insuffisances relevées au cours de l’expertise, leur dangerosité et préconiser les moyens de les pallier par une formation théorique et, si nécessaire, pratique. Le conseil régional ou interrégional doit ensuite statuer, et la décision éventuelle de suspension doit définir les obligations de formation du praticien.

Cette décision pourra être contestée devant le Cnom puis devant le Conseil d’État. Ce dernier, dans un arrêt du 30 mai 2022, a rejeté le recours d’une médecin généraliste qui ne s’était pas présentée devant le Conseil national au motif que son avocat était indisponible. Cette praticienne avait commis des erreurs de prescription qui avaient été constatées par l’Assurance maladie, et les experts avaient considéré que ses insuffisances professionnelles rendaient dangereuse la pratique de la médecine générale, en particulier auprès de jeunes patients. Elle a ainsi été condamnée à deux ans de suspension, le temps de suivre l’enseignement d’un diplôme interuniversitaire sanctionné soit par l’obtention d’un diplôme, soit par une évaluation sous forme d’une attestation établie par le responsable du diplôme ainsi qu’un stage pratique de six mois auprès d’un maître de stage.

 

Que faire face à un changement de comportement ?

Addictions à l’alcool, aux produits stupéfiants, aux psychotropes…, troubles du comportement : les médecins ne sont pas à l’abri de ces difficultés. Ils doivent pouvoir être protégés et soignés, par des soins spécialisés. S’ils n’ont plus les facultés physiques ou mentales leur permettant de soigner correctement, leurs patients doivent aussi être préservés. Une procédure de suspension temporaire du droit d’exercer pour infirmité ou état pathologique est ainsi prévue par les articles R4124-3 et suivants du code de la santé publique. Les conditions de saisine font souvent suite à des signalements de patients, de l’entourage du médecin ou de confrères. Là encore, une éventuelle mesure de suspension ne pourra être ordonnée que sur un rapport d’expertise établi à la demande de l’Ordre par trois médecins (généralement psychiatres) désignés comme experts. Ceux-ci s’engagent à déposer leur rapport au plus tard dans un délai de six semaines à compter de la saisine du conseil régional.

La décision du conseil régional pourra être contestée devant le Conseil national, dans un délai de dix jours, sur la requête du praticien suspendu, du conseil départemental ou du directeur général de l’ARS. Ce recours n’est pas suspensif. Au terme de sa période de suspension, le médecin devra revoir ses confrères experts, chargés de procéder à une nouvelle expertise, qui devra lui être favorable s’il entend reprendre son activité.

Dans un autre arrêt du 30 mai 2022, le Conseil d’État a donné tort à un médecin, soupçonné d’état pathologique rendant dangereux l’exercice de sa profession, pour n’avoir pas répondu à la demande d’expertise de l’Ordre, les experts ayant dû établir un rapport de carence. Le conseil régional n’ayant pu statuer, le dossier a été transmis au Conseil national, qui a suspendu ce praticien pendant trois mois, subordonnant la reprise de son activité professionnelle aux résultats d’une nouvelle expertise. Cette procédure n’a pas été jugée irrégulière, malgré l’absence d’expertise, d’autant plus que l’Ordre avait eu connaissance d’un certificat médical établi par un psychiatre précisant un état de santé qui justifiait une mise en congé de longue maladie.

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