L’année 2020 a, pour une immense majorité de Français, signé un changement de vie. Ce changement a pu être radical, parfois choisi mais souvent subi à l’occasion du confinement, de l’adaptation de la vie sociale, de la vie professionnelle, et de tous les aspects de la vie quotidienne impactés par la crise sanitaire.

Ce bouleversement a notamment affecté les comportements addictifs des Français, selon un sondage(1) mené en octobre 2020 auprès de 3 000 personnes par Odoxa pour GAE Conseil (cabinet de conseil en entreprise sur les questions d’addictions). Celui-ci s’est intéressé en particulier à l’impact du télétravail sur les pratiques addictives, révélant une inquiétude des salariés sur la question.

DES RISQUES AUGMENTÉS

Les pratiques addictives sont étroitement liées à ces changements du quotidien. Une étude(2) réalisée pendant le premier confinement avait suggéré que toutes les formes d’addictions s’étaient renforcées en cette période compliquée. Plus d’un quart des fumeurs déclaraient ainsi consommer davantage et 22 % des patients utilisant des médicaments psychotropes avaient augmenté les doses d’anxiolytiques et de somnifères.

Ces chiffres à la hausse se retrouvaient également dans la consommation de nourriture, d’alcool, de jeux d’argent et de hasard, et même de contenus sur écrans. À cette époque, à la perte de repères s’ajoutaient notamment l’ennui (au moment où le pays était pour beaucoup à l’arrêt) et l’angoisse liée à une épidémie dont on ne connaissait pas grand-chose.

La nouvelle étude rapporte que, pour 60 % des personnes concernées par le télétravail, celui-ci présente des risques pour la santé physique et psychologique. Et, pour trois salariés interrogés sur quatre, il accroît en particulier les pratiques addictives chez les personnes déjà en difficulté. L’isolement, l’absence du regard des autres, de la « surveillance » des managers, sont propices à une dérive des consommations.

Pour deux tiers, par exemple, le télétravail fait grimper la consommation de tabac. Les salariés sont 74 % et 66 % à penser qu’elle augmente aussi pour l’alcool et le cannabis, respectivement. L’addiction au travail et la consommation de médicaments ou d’autres drogues inquiètent également

.

75% des salariés pensent que le télétravail augmente les risques de conduites addictives

 

LA DISTANCE COMPLIQUE L’ACTION

Comment détecter et agir à distance ? Près de huit managers sur dix estiment que le télétravail rend plus difficile la détection des conduites addictives. L’absence de relations en présentiel sont défavorables à la détection de comportement traduisant des pratiques à risque. Mais la méthode est, finalement, la même : elle doit reposer sur la prévention, et sur le lien entre les salariés et leurs managers. « Il est important de rompre l’isolement des personnes en télétravail », estime Nicolas Prisse, président de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca). Parmi les conseils, ceux d’Ariane Pommery de Villeneuve, patiente experte (anciennement addict à l’alcool) et formatrice en addictologie, sont plus pratiques. Lors des échanges entre un salarié et son manager, il peut être opportun d’imposer une communication vidéo, et non seulement audio. « On pourra voir rapidement si la personne est soignée et observer le langage verbal et corporel », explique-t-elle.

Plus d’un tiers des salariés auraient expérimenté le télétravail entre mars et octobre. Et, parmi eux, 84 % souhaitent pouvoir le poursuivre une fois la crise sanitaire passée. Un élément qui devra peser dans la balance dans la prise en compte des risques par les entreprises et les managers. Notamment ceux liés aux pratiques addictives.

1. « Télétravail et pratiques addictives en période de crise », GAE Conseil, novembre 2020.
2. « Confinement, télétravail et comportements addictifs : le point de vue des Français », étude Odoxa pour GAE Conseil, avril 2020.

Les obligations pour l'employeur

« La responsabilité de l’employeur en matière de sécurité est invariable, quel que soit le lieu de travail, rappelle Jamila El Berry, avocate spécialisée de la santé-sécurité au travail. Toutes les obligations demeurent, même en raison de la singularité du contexte. »
Pour prendre en compte un changement de mode d’exercice des salariés vers plus de télétravail, les employeurs sont donc invités à mettre à jour le document unique, « pierre angulaire » de la prévention des risques professionnels. Parmi ces risques liés au télétravail, ceux liés aux pratiques addictives doivent être évalués, notamment ceux concernant les substances psychoactives.

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