L'AME "est un dispositif sanitaire utile", "globalement maîtrisé" et "qui ne génère pas de consommations de soins faisant apparaître des atypismes, abus ou fraudes structurelles", ont estimé l’ancien ministre Claude Evin et le préfet Patrick Stefanini, missionnés par Gérard Darmanin, Aurélien Rousseau et Agnès Firmin Le Bodo, pour un rapport sur l'aide médicale d'Etat. Selon leur rapport, le nombre de bénéficiaires a augmenté ces dernières années (466.000 personnes au total, soit +150.000 personnes depuis 2015) mais cette augmentation est liée à la hausse du nombre d'étrangers en situation irrégulière, et non à un dérapage du système. De plus, la consommation trimestrielle moyenne par personne "est restée stable en dépit de l'augmentation du coût des soins", "de 642 euros en 2009 à 604 euros en 2022".

Vendredi dernier, dans un communiqué commun, AVECsanté, la Fédération nationale des centres de santé (FNCS) et le Réseau des centres de santé communautaires ont rappelé avec force que selon les données officielles disponibles, "le taux de non-recours à l’AME atteint 49%. L’AME représente seulement 0.4% des dépenses de santé. La supprimer entraînerait des retards de diagnostic avec pour conséquence des soins plus complexes, plus longs, plus douloureux et donc in fine plus coûteux humainement et économiquement." Aurélien Rousseau s’est dit prêt à examiner une "évolution", rappelant toutefois que "cela n'a pas sa place dans le projet de loi immigration : ce n'est pas un sujet d'immigration, mais un sujet de santé publique"
 

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Même si les deux rapporteurs ont jugé que la mise en place de l’AMU, plus restrictive, entraînerait "une complexification générale", notamment pour apprécier ce qui relève des soins urgents et ce qui n'en relève pas, ils ont tout de même établi une liste d'adaptations possibles.

Tout d’abord, ils proposent de "retirer le droit à l'AME" aux "personnes frappées de mesures d'éloignement pour motif d'ordre public". En 2022, la France comptabilisait 134.280 obligations de quitter le territoire français, dont 13.132 pour un motif d'ordre public, précise le rapport. Les auteurs recommandent également aussi de resserrer certains "critères d'éligibilité". Actuellement, l'AME est accessible aux étrangers en situation irrégulière présents en France depuis au moins trois mois (sous conditions de ressources inférieures au plafond de 809,90 euros par mois) mais aussi à leurs enfants, conjoints ou concubins. Cette "qualité d'ayant-droit" pourrait être réservée "aux seuls enfants mineurs", les autres membres devant alors déposer leur propre demande, estiment-ils, suggérant aussi de prendre en compte "les ressources de l'ensemble du foyer" pour l'admission.

Des transformations bien divergentes de la philosophie des deux fédérations de structures de santé. "Il est impensable pour nous de refuser nos soins à des personnes en raison de leur situation administrative. Nous avons un devoir déontologique de donner des soins à toute personne les demandant et en toutes circonstances. Supprimer ou ajouter de nouvelles restrictions de l’AME créerait une situation intenable dans nos structures. Devrons-nous-nous stopper la prise en charge de nos patient-e-s ? Pour les orienter vers les permanences d’accès aux soins de santé (Pass), déjà largement saturées ? Ou bien vers les urgences, toutes aussi saturées, à cause d’un recours tardif aux soins ?", ont conjointement déclaré AVECsanté et la FNCS.

 

Bilan de santé et contrôle de l’Assurance maladie

Autre proposition de Claude Evin et Patrick Stefanini : "renforcer le suivi analytique" de la consommation de soins, et informatiser la carte des bénéficiaires, ou porter la durée de validité du titre à deux ans au lieu d'un, permettant ainsi des contrôles "plus approfondis".

Ils proposent également d'élargir la liste des prestations, notamment l’extension aux actes de masso-kinésithérapie prescrits par des professionnels médicaux exerçant en ville et la prise en charge de soins chroniques et lourds (diabète, insuffisances rénale ou cardiaque…) mais uniquement après avoir fait l’objet d’une vérification de nécessité et de proportionnalité par le service médical de l’Assurance maladie. Ils suggèrent par ailleurs quelques adaptations pour lutter contre le "non-recours" et les "ruptures de droits". Parmi elles, l'organisation dès l'arrivée sur le territoire d'un bilan de santé ou encore l'extension aux bénéficiaires de l'obligation de déclarer un médecin traitant.

De leur côté, AVECsante et la FNCS ont déclaré qu’"il serait plus pertinent d’inclure ces bénéficiaires dans le régime général de la Sécurité sociale. De nombreuses institutions se sont prononcées en ce sens soulignant que cela permettrait de lutter efficacement contre le non-recours et le renoncement aux soins. Cette inclusion consacrerait enfin une vraie couverture maladie universelle."

Le projet de loi immigration sera étudié à l’Assemblée nationale à compter du 11 décembre prochain.

[Avec l'AFP]

 

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