"On fait un milliard de choses", affirme François Raymond, infirmier libéral et membre de la MSP Pyrénées-Belleville (Paris, XXe arrondissement), l’une des plus anciennes du territoire, fondée en 2013. La structure compte une forte présence de médecins généralistes et d’infirmières libérales, "avec une orientation médico-sociale", car la particularité de la MSP réside dans son projet de santé axé sur la lutte contre les inégalités sociales de santé et l’accès aux soins.

Depuis plus d’un an, l’équipe du Pôle de santé des Envierges, dont fait partie la MSP Pyrénées-Belleville, participe à un point d’accueil et écoute jeunes (PAEJ) en accueillant "des migrants, des mineurs isolés ou des jeunes du quartier de 12 à 25 ans, dont la plupart sont sans domicile fixe, précise François Raymond. Nous avons été sollicités par cette équipe car ils disposaient d’un poste d’infirmière financé par l’ARS Ile-de-France mais avaient du mal à maintenir les gens en poste car c’est un public complexe qui ne vient pas spontanément vers le soin."

 

Entre 40 et 60 jeunes reçus tous les jours pour une douche, un petit-déjeuner, un suivi social…

Dix minutes séparent la maison de santé du point d’accueil, "mais c’est un monde de différence. C’est pas loin mais c’est très loin à la fois", avoue-t-il, tout en soulignant le rôle essentiel des deux éducatrices en poste toute la semaine. "Et il faut comprendre la temporalité du jeune. Si je le vois à 10h et l’envoie en consultation avec le médecin généraliste à midi, il n’ira pas si je ne l’accompagne pas. Il sera parti sur autre chose…"
 

Voir aussi notre dossier : Comment lutter contre le renoncement aux soins?
 

Le 3 mars 2020, la MSP a mis en place des permanences infirmières deux fois par semaine avec un médecin d’astreinte téléphonique : "Ça permet d’écouter un cœur ou un poumon, d’échanger, de prescrire… Et très vite, on a conventionné avec une pharmacie du Pôle pour donner des médicaments à ces jeunes qui n’ont pas la Sécu. Et ça, on sait faire en pluripro ! On s’est vite rendu compte aussi que les pieds étaient un vrai problème : ces jeunes marchent beaucoup, ne changent pas de chaussures qui sont parfois mal adaptées… Une pédicure-podologue du Pôle est donc présente, une fois par mois à la PAJ, pour des soins ou des conseils." Une équipe pluriprofessionnelle rémunérée grâce au poste vacant au Paej, et appuyée par les professionnels de l’hôpital de Tenon ou de Saint-Louis (AP-HP) si besoin d’expertise, et d’une infirmière de santé publique – Danièle Séné – qui s’y rend deux fois par mois pour l’ouverture des droits.

 

Focus

En quelques mots

Permanence infirmière et médicale au point accueil écoute jeunes :
• Deux matinées par semaine : permanence de soins infirmiers avec astreinte médicale téléphonique
• Deux matinées par mois : permanence d’un médecin pour des consultations
• Une matinée par mois : permanence d’une pédicure-podologue

En 2020 :
• 193 consultations pour 100 jeunes
• 50 permanences infirmières et 141 consultations infirmières
• 9 permanences infirmière Asalée d’éducation thérapeutique
• 10 permanences de médecin généraliste complétées par 46 astreintes téléphoniques – 39 consultations
• 6 permanences et 14 consultations de pédicure-podologue


 

Dès les premiers jours, "entre 40 et 60 jeunes y venaient quotidiennement sans rendez-vous pour une douche, un petit-déjeuner, un suivi social… Mais malheureusement, le confinement nous a fait beaucoup de mal, raconte l'infirmier libéral. En 2020, l’équipe a réalisé 141 consultations infirmières, 14 consultations dermatologiques et 39 consultations mixtes (médecin-infirmière ou infirmière-pédicure-podologue par exemple) ; 63% des jeunes ont consulté une fois et 16% à deux reprises.

Source : Pôle de santé des Envierges

Parasitose, problèmes dentaires, traumatismes divers… Comme les jeunes présentent divers problèmes de santé – dont des problèmes dermatologiques (38% des consultations en 2020) –, un projet de démarche qualité, financé par l’ARS et porté par la Fédération des maisons et pôles de santé en Île-de-France (Fémasif), a été mis en place. Objectif : améliorer la qualité des soins (guérison, problème résolu) et l’accès à des consultations médicales et de podologie (à horaires fixes et réguliers à la PAJ), et mettre en œuvre des protocoles de soins infirmiers définis collectivement. L’équipe a également développé un outil de suivi sur les jeunes patients, et a mis en place un appel téléphonique à J+7 pour s’assurer de l’état de guérison.

 

68 % des jeunes ont atteint l’objectif de soins fixé

Une étude réalisée par la Fémasif entre le 1er janvier et le 31 mars 2021 a analysé les motifs de consultation dermatologique.


Source : Pôle de santé des Envierges

Durant ces trois mois, 31 patients ont consulté pour un problème dermatologique, soit 29 hommes et 2 femmes âgés entre 15 et 25 ans. 80,65 % d’entre eux (25) ont été inclus dans le projet*, et ont reçu des soins adaptés à leur situation en suivant les bonnes pratiques professionnelles et les protocoles existants. Dix-neuf de ces jeunes (76%) ont pu être évalués à J+7, et 13 ont atteint l’objectif de soins fixé (68,42%). "Les motifs de consultation en dermato étaient variés. Certains étaient plutôt attendus (parasitose, mycose) mais d’autres nous ont surpris : 10 % des consultations étaient liées à des brûlures par gaz lacrymogène", précise Ambre Le Ray, chargée d’études et de développement projet qualité à la Fémasif.

 

Action… réaction !

Si le suivi téléphonique à J+7 a permis l’évaluation de l’efficacité des soins dermatologiques, il a représenté "une procédure d’évaluation coûteuse en temps", reconnaît-elle. Mais "cette expérimentation a permis une prise en conscience de l’impact de la précarité et de la vie dans la rue sur la santé des jeunes de 15 à 22 ans".

En s’appuyant sur ces analyses, le Pôle de santé des Envierges compte développer certaines initiatives :
- mise à disposition de matériel sur place pour anticiper les urgences : développement d’un kit de soins distribuables aux patients ou mise en place d’une PASS Pharmacie ;
- extension du projet à d’autres problématiques de santé observées à la PAJ, par exemple en santé mentale ;
- communication autour de l’observation de cas de brûlures par gaz lacrymogène chez ces jeunes et en déterminer les causes.

L’étude a permis également d’orienter ces jeunes, notamment 25% à la MSP (consultations médecin généraliste ou infirmière), 11% chez un spécialiste, 10% à la PASS hospitalière ou encore 6% en consultation psy.

NOTE
*
Les jeunes exclus de l’étude n’avaient pas de téléphone et n’étaient pas joignables à la PAJ ou ne parlaient pas français.

 

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