Retour en 2020, "juste avant le Covid". Geneviève Bidault participe à sa première réunion du conseil consultatif du Pôle de santé des Envierges (Paris XXe). La patiente s’est laissé convaincre par Mady Denantes, médecin généraliste qu’elle "connaît depuis un peu plus de trente ans". La médecin à la MSP Pyrénées Belleville, qu’englobe le Pôle, a créé ce conseil pour impliquer davantage les usagers dans la structure d’exercice coordonné, pour que patients et professionnels réfléchissent à la politique de santé et aux actions déployées localement.  

Ces réunions, qui rassemblent "20-25 personnes", et auxquelles s’est ajouté "un groupe Whatsapp avec les médecins, les coordinatrices et d’autres professionnels de santé" qui interviennent "plus épisodiquement", explique l’usagère, permettent d’échanger collectivement. Et de mettre en œuvre des projets tels celui, artistique, "Je me fais la belle", sur la fin de vie ; la relecture des fiches informations de la revue Prescrire, etc.  

 

Balayer les craintes

Souvent, pourtant, l’idée d’impliquer les usagers désarçonne. Les élus, car s’ils "sont curieux", ont la plupart du temps “envie de bien faire”, il n’en reste pas moins qu’ils sont plus ou moins “acculturés” selon le sujet, témoigne Emmanuelle Barlerin, coordinatrice en MSP et 1e adjointe au maire de Saint-Just-en-Chevalet. La démocratie en santé n’y déroge pas. Les usagers, eux, ont peur de “ne rien comprendre”, alors que chacun a sa place, quel que soit son environnement, assure celle qui est aussi infirmière et coprésidente de la FemasAura&Co.  

Quant aux professionnels de santé, poursuit-elle, ils bataillent contre des craintes : la compromission du secret, le regard critique des patients… Et ils sont happés par des questionnements : sur la définition de l’usager qui, selon Emmanuelle Barlerin, "doit venir de l’équipe" pour être adaptée à la situation ; sur l’intérêt de la démarche ; sur la façon de procéder… "S’interroger, c’est déjà une première marche", juge-t-elle toutefois.  

Pour lever les réticences, les fédérations régionales ont un rôle à jouer. "À nous d’aller un peu plus vers les équipes, de les rassurer, de donner des exemples”, détaille-t-elle. En Ile-de-France, la FémasIF a impliqué les usagers "dès sa création", souligne Poline Hadeler, chargée de mission qualité et projets transversaux. Celle-ci cite notamment des actions récentes, comme l’accompagnement des structures candidates puis retenues pour l’expérimentation des centres et maisons de santé participatifs. Elle met aussi en avant l’organisation fréquente de partages d’expériences “toujours très bénéfiques”. Une initiative saluée par Christian Saout, président du conseil pour l’engagement des usagers de la HAS, pour qui les “communautés apprenantes” sont un puissant levier.  

 

Bientôt un guide de la HAS

Pour Poline Hadeler, la mise en place d’actions participatives nécessite “une équipe assez mature”, et tous les intervenants s’accordent à dire que le temps est clé. La chargée de mission rassure : “Vraiment, si vous voulez y aller, lancez-vous, nous sommes derrière pour vous accompagner”. C’est aussi dans cette optique que le Conseil pour l’engagement des usagers de la HAS va publier en ligne “début juillet” un guide à ce sujet, annonce son président Christian Saout : il “s’intéresse à trois niveaux : les maisons de santé, les centres de santé et les CPTS”.  

Réalisé à partir d’une revue de littérature française, québécoise et piochée dans le monde anglosaxon, ce guide de 80 pages a été voulu “très pratique” : 60 pages de textes généraux et 20 pages de fiches pratiques. Le magistrat de profession en a détaillé le contenu, qui brasse, entre autres, des questions comme les niveaux de mobilisation, les actions et services rendus, les évaluations et la recherche, la représentativité et la représentation, les ressources financières, etc. Le membre du collège de la HAS a livré ses conseils, comme “commencer à échanger avec des usagers”. “Ce n’est pas plus compliqué que dans une famille quand on veut organiser une cousinade.”  

Qu’en est-il de la réponse à la question de départ ? Pour Christian Saout, “juridiquement oui”, les patients sont membres de l’équipe : “Je connais des maisons de santé qui ont recruté des patients pour être coordonnateurs”. Mais si, “la question est de savoir si ça peut être un adjuvant à la dynamique d’équipe (...) comme je viens de la santé communautaire, je sais que c’est possible, poursuit-il. Mais quand on est un producteur de soins, quand on délivre des soins, on n’y pense pas”. Avant de souligner : “Dans toutes les expériences qu’on a lues pour préparer ce guide (...) il n’y a que des bénéfices collectifs à la participation des usagers. J’aurais donc tendance à dire oui”.  

 

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