Jean-Michel Lecerf est médecin nutritionniste au service Nutrition & activité physique, et directeur médical du centre Prévention santé longévité à l'Institut Pasteur (Lille).
 

Article publié dans Concours pluripro, mars 2024

 

Cas clinique

Marion, 10 ans, est amenée à la consultation par sa mère pour une petite poussée mammaire. À l'examen, il n'y a pas d'autre signe d'avance pubertaire. Son poids est de 48 kg, pour 1,45 m. L'indice de masse corporelle (IMC) est de 22,8 kg/m². Sur la courbe de corpulence, elle se situe au-dessus du 97e percentile pour l'âge, dans la zone du surpoids. Il n'y a pas de retard mental ou intellectuel mais une avance staturale. Elle ne présente pas de trouble psychologique ou du comportement alimentaire. Elle subit des moqueries à l'école qui la perturbent et ne veut plus aller aux séances de sport. C'est une enfant vive et enjouée, mais depuis la rentrée des classes elle se renferme. Les habitudes alimentaires familiales sont "standard". Elle mange vite et se ressert de tout, particulièrement de desserts, et elle a pris l'habitude de consommer des boissons sucrées. Le temps d'écran est important le soir. Dans la fratrie de trois enfants, elle est la seule en surpoids. La reconstitution de sa courbe de corpulence montre que le rebond d'adiposité est survenu dès 4 ans et demi. Dans la première enfance, la diversification s'est bien passée. Son poids de naissance était inférieur au poids pour l'âge gestationnel. À l'examen, en dehors de la poussée mammaire, on note des vergetures rosées au bas du ventre et au haut des cuisses. On prescrit une glycémie, une TSH-us et une échographie hépatique. Vous la revoyez pour débuter une prise en charge.

L'obésité de l'enfant soulève de nombreuses interrogations et difficultés. Son expansion, partout dans le monde, interroge sur les causes profondes de cette épidémie. C'est la dimension santé publique de ce problème. Le dépistage du praticien est important à réaliser. Il n'est pas toujours aussi simple à affirmer, notamment vis-à-vis des parents. Après le diagnostic vient l'heure de la recherche de son étiologie ou de ses facteurs favorisants, le plus souvent multiples. Enfin, il faudra aborder la question de la prise en charge, tout aussi délicate, qui doit tenir compte des causes identifiées. La difficulté – et donc l'importance de cette pathologie – tient au contraste entre sa banalité et ses conséquences sérieuses, en particulier le risque majeur de persistance à l'âge adulte et d'aggravation. S'intéresser à l'obésité de l'enfant est, pour le praticien, un exercice médical prioritaire et complexe à la fois.

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