Article publié dans Concours pluripro, décembre 2023
 

Le contexte

"Le taux de femmes enceintes en surpoids ou en situation d'obésité augmente d'année en année, indique Stéphane Bounan, gynécologue-obstétricien, chef de service maternité au CH Delafontaine et médecin référent de l'expérimentation "Mam'en forme". Dans notre bassin de population, nous avons des taux largement supérieurs au taux national. Cela est probablement dû au fait qu'il y a un lien très fort entre la précarité et l'obésité." En effet, les habitants de Plaine Commune, structure intercommunale créée en 2016 dans le cadre de la mise en place de la métropole du Grand Paris, qui regroupe, entre autres, les villes d'Aubervilliers, Saint-Ouen et Saint-Denis, sont extrêmement touchés par les inégalités sociales et territoriales de santé. La Seine-Saint-Denis est le territoire qui présente le taux de natalité le plus élevé de France métropolitaine, avec 18,5 naissances pour 1 000 habitants. Cependant, il est également celui ayant le taux de mortalité infantile le plus élévé de la région : 4,8 pour 1 000 dans ce département contre 3,8 en Île-de-France. Le taux de prématurité y est également plus élevé. "Nos patientes ont un double facteur de risque. Elles sont, pour beaucoup, en situation d'obésité, et en même temps elles ont cette précarité qui est un facteur qui a contribué à leur obésité et qui va également impacter le soin", précise Stéphane Bounan. C'est dans ce contexte qu'un programme spécifique pour réduire la mortalité infantile et périnatale sur le territoire, RéMI, a été mis en place.

Les résultats de plusieurs études réalisées dans le cadre de RéMI ont mis en évidence des problèmes de suivi de grossesse, notamment une prise en charge retardée mais également de nombreux décrochages. Or un parcours de grossesse classique nécessite une multitude de consultations, et d'autant plus en cas de grossesse pathologique. Auxquelles il faut ajouter les nombreuses démarches administratives à effectuer (CPAM, CAF...). Tout cela additionné entraîne, pour ces femmes, de véritables difficultés pour trouver le bon interlocuteur et intégrer le parcours de soins adapté. Des obstacles qui entraînent souvent un renoncement aux soins. "Elles connaissent mal le système de santé, elles ne parlent pas toujours le français et elles n'ont pas toujours des droits ouverts... Tout cela fait qu'elles ont plus de difficultés à s'inscrire dans un parcours de soins", révèle le gynécologue. Les patientes en situation d'obésité sont beaucoup plus à risque de pathologies durant leur grossesse. "Il s'agit d'une population qui est extrêmement vulnérable. Au vu de toutes ces constatations, il nous a paru utile, ici, à Saint-Denis, de créer une filière réservée à ces patientes."

Constituée sous la forme d'un hôpital de jour, elle permet d'identifier et de prendre du temps avec ces patientes, afin de leur offrir une prise en charge spécifique. "L'échographie est un moment très anxiogène pour les patientes, mais aussi pour les soignants, car il est difficile de faire une échographie dans leur situation. Nous avons donc acheté du matériel adapté, avec des sondes très basse fréquence, qui coûtent très cher mais qui permettent de mieux voir. Nos échographistes sont volontaires pour pratiquer ces consultations. Ils ont moins de patientes afin de pouvoir prendre le temps nécessaire et d'instaurer une ambiance 'bientraitante'. Les patientes n'ont pas à ressentir le stress de l'échographiste et encore moins de recevoir des remarques désagréables", rapporte Stéphane Bounan.

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