Un médecin généraliste remet à la mère d’une enfant un courrier adressé à un pédopsychiatre affirmant la forte probabilité que le père de cette enfant aurait commis des actes d’exhibitionnisme vis-à-vis de sa fille. Le courrier est ainsi rédigé : « Cher confrère, je vous confie en urgence l’enfant Léonore L., 4 ans, qui tient des propos depuis quelques jours d’exhibitionnisme de son père. Elle m’a cité les événements avec beaucoup de précision. Même s’il s’agit d’une enfant très éveillée, je ne pense pas que l’affabulation soit de mise. Merci pour votre diligence... »
Les parents du père (et grands-parents de Léonore), à la lecture de ce courrier, ont décidé de porter plainte contre ce médecin généraliste, s’estimant victimes par ricochet de son certificat, alors que ce praticien n’avait procédé à aucun signalement.
En première instance, l’Ordre régional de PROVENCE-ALPES-CÔTE D'AZUR-Corse a rejeté leur plainte, l’estimant irrecevable « pour défaut d’intérêt à agir ». Ces grands-parents décident de faire appel, et la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins va leur donner raison, dans une décision du 20 septembre 2016.
L’Ordre national va considérer que le courrier litigieux de ce médecin pouvait avoir des répercussions sur la situation, sur l’équilibre psychique de l’enfant et sur la restriction des possibilités de contact entre le père et sa fille, et entre ces grands-parents et leur petite-fille. L’appel de ces grands-parents va donc être jugé recevable, et le médecin condamné à trois mois d’interdiction d’exercice avec sursis.
Pour sanctionner ce praticien, l’Ordre national a tenu à rappeler « qu’un médecin, lorsqu’il établit un certificat, ou rédige un courrier, doit se borner à faire état des constatations médicales effectuées ; que, s’il peut rapporter des dires relatifs aux causes de l’affection, de la blessure, constatée, il doit veiller à ne pas se les approprier, alors surtout qu’il n’aurait pas été à même d’en vérifier la véracité ». Et l’Ordre d’ajouter que ce médecin, dans son courrier litigieux, « lequel ne fait état d’aucune constatation médicale, d’une part, exprime l’opinion selon laquelle les dires de l’enfant ne sont pas des affabulations, d’autre part, ne mentionne aucun élément sur lequel s’appuierait cette opinion », alors même que le dossier ne fera apparaître aucun élément permettant de regarder comme établis, ni même comme fortement vraisemblables, les faits relatés par l’enfant ; cette relation n’a d’ailleurs pas fait l’objet de signalement. Pour l’Ordre, ce médecin a ainsi méconnu les dispositions des articles R.4127-28 et R.4127-51 du code de la santé publique, rappelant qu’un médecin ne doit pas délivrer un rapport tendancieux ou un certificat de complaisance et s’immiscer dans les affaires de famille.