"Des équipes traitantes de proximité"

Dr Pascal Gendry, médecin généraliste et président d’AVECSanté

"Nos priorités : fédérer les professionnels de soins primaires dans des équipes pluriprofessionnelles pour devenir des équipes traitantes de proximité ; rassembler tous les acteurs de la santé et constituer des communautés professionnelles de santé ouvertes (ville-hôpital-médicosocial), s’organisant autour d’un projet de santé territorial partagé ; avoir une gouvernance du système de santé redéfinie à tous les étages (nationale, régionale, bassin de vie), plus représentative et participative, avec une vraie démocratie sanitaire décisionnelle."

 

"Restons éveillés, restons dans l’action"

Antoine Prioux, pharmacien d’officine et coordinateur du pôle de santé Millesoins

"Nous oeuvrons de manière coordonnée, pour notre territoire et avec sa population. Nous innovons, pour résister et tenter de nous adapter à des enjeux qui nous dépassent. Nous revendiquons l’émancipation de l’individu au sein du collectif avec la conscience du collectif et de son projet commun. Et qui préside le groupe 4 «Coordination et territoire» ? La présidente de l’UNPS. En clair, la somme d’une somme d’intérêts individuels qui n’a pas la culture pour porter une évolution franche de notre modèle de soin national vers un modèle de santé territorialisé. En ces temps incertains où l’on navigue à vue et par-delà l’impératif diplomatique, il serait bon de rappeler à nos dirigeants que l’expérience est une chandelle qui n’éclaire que celui qui la porte. Ce que j’attends du Ségur ? Pas plus que ce que la comtesse du même nom m’a donné étant enfant : un conte pour m’endormir... Alors restons éveillés, restons dans l’action, l’inéluctable finit toujours par arriver."

 

"Amplifier la politique de l’organisation territoriale"

Dr Claude Leicher, médecin généraliste et président de la FCPTS

"Ce Ségur doit amplifier la politique déjà entamée de l’organisation territoriale. Les moyens d’accompagnement des porteurs de projets et du démarrage des CPTS doivent être mis à la hauteur des enjeux et simplifiés. L’outil CPTS fait l’unanimité des acteurs de terrain (capacité de décider eux-mêmes de leur organisation), des acteurs politiques, des collectivités territoriales et des usagers qui demandent de la proximité, et celle des hôpitaux qui cherchent des interlocuteurs légitimes et organisés. Nous connaissons 380 réalisations en cours de structuration, et plus de 100 projets en cours. On ne reviendra pas en arrière, le train est lancé, et sa vitesse surpasse déjà celle du mouvement que nous avions connu à la création des MSP. La coordination ville-hôpital peut alors se concevoir sous la forme d’un projet territorial de santé, jonction entre les projets de santé des CPTS et des hôpitaux."

 

"Un système de santé centré sur le patient"

Tatiana Henriot, infirmière en pratique avancée, présidente d’Unipa

"Ce que nous espérons ? Une augmentation du niveau d’autonomie et de responsabilité des infirmières, notamment la reconnaissance et la valorisation de la consultation infirmière ; la sortie d’une approche médicocentrée, pour l’adoption d’un système de santé centré sur le patient, au sein duquel l’ensemble des professionnels de santé apportera toute son expertise et toutes ses compétences ; la revalorisation des niveaux de rémunération et l’amélioration des conditions de travail…"

 

"Une reconnaissance de notre capacité à innover"

Dr Hélène Colombani, médecin généraliste et présidente de la FNCS

"Une valorisation des centres de santé et de leurs professionnels, une reconnaissance de leur capacité à structurer et à innover en soins primaires (comme ils l’ont démontré pendant cette crise sanitaire), et à répondre aux enjeux de santé publique avec les acteurs de la ville et des territoires. Et en tant que structures de soins primaires coordonnées et structurées, ils sont en capacité de faire des ponts avec l’hôpital. Cette reconnaissance passe aussi par une valorisation financière des professionnels et des structures sur l’ensemble de leurs missions."

 

"Cesser de faire à l’hôpital ce qui devrait être fait en ville"

Nathalie Charbonnier, sage-femme, co-fondatrice de l’association Espace-Vie et présidente de la CPTS Santé Seine Essonne

"J’espère que la crise que nous avons traversée et dont nous sortons progressivement n’aura pas été vaine, que chaque structure de soins fasse pour les patients ce qu’elle sait faire et doit faire (ce qui implique une meilleure connaissance des uns et des autres), que nous cesserons de faire à l’hôpital ce qui est fait, devrait être fait ou pourrait être fait en ville, que la ville ne fasse pas ce qui doit être fait à l’hôpital, public ou privé, et que les uns et les autres ne prennent pas en charge ce que peut faire le médicosocial. Je voudrais que le lien efficient entre ces différents secteurs de prise en charge soit une priorité, que ces secteurs aient les moyens humains et financiers nécessaires à la réalisation de leurs missions, dans un modèle tourné vers la prévention et la promotion de la santé plutôt que dans le curatif et la logique financière actuelle. Mais aussi, que l’intégration et l’écoute des usagers soient des réflexes évidents."

 

"Aujourd'hui, pour demain, osons le changement"

Dr Didier Ménard, médecin généraliste au pôle de santé de Saint-Denis et président de la FémasIF

« Ce que j’entends du fond de ma cité de banlieue : le temps n’est plus aux constats, nous savons ce que devons, pouvons et voulons faire ; pour les soins primaires, aujourd’hui pour demain, osons le changement ; du cabinet de soins, à la santé publique du territoire, l’équipe coordonnée pluriprofessionnelle montre la voie. Faire confiance est un choix politique ; le territoire de santé est à construire par ses acteurs, pour ses habitants, en passant du soin à la santé, le meilleur programme politique qui soit. »

 

Conversation

« Le Ségur comme un dialogue entre nature et culture »

Un échange entre Sébastien Bellec, masseur-kinésithérapeute et président du pôle de santé de Saint-Méen-le-Grand, et le Dr Béatrice Allard-Coualan, médecin généraliste et coprésidente du pôle de santé de La Vaunoise. 

"Je suis surpris, désabusé, déçu de l’implication des institutions auprès des professionnels de santé de proximité que nous sommes durant la crise sanitaire", lance Sébastien Bellec, qui se demande où peuvent mener les travaux d’un Ségur organisé en urgence et se donnant pour objectif de répondre, en un mois, à la réorganisation du système de santé : "Nous agissons sous la pression les uns des autres. Nous parlons de coordination mais qu’en est-il vraiment sur nos territoires et au niveau politique, lorsque la communication autour de ce Ségur est hospitalocentrée ?"

Le masseur-kinésithérapeute dénonce des décisions unilatérales de directions de centres hospitaliers de proximité concernant des professionnels libéraux sans les avoir concertés au préalable : "Alors qu’on peut faire autrement et qu’on sait toute la souffrance de nos collègues qui travaillent dans les services !" "Pourtant, la crise sanitaire aurait pu, aurait dû, être une occasion pédagogique pour les citoyens français que nous sommes. Nous aurions pu faire appel à la responsabilité citoyenne, dire les faits plutôt que produire, exprimer la difficulté technique concernant le port du masque*... Pourquoi ne pas faire équipe d’emblée pour construire des organisations en santé ?", souligne Béatrice Allard Coualan.

"La crise sanitaire nous a énormément rapprochés au sein du pôle de santé. Nous avons mis en place de nouvelles organisations, les médecins ont bousculé leurs habitudes pour accueillir les patients suspects Covid", reprend Sébastien Bellec. "Pourquoi toujours la peur, la défiance et le retranchement derrière une “posture”plutôt que d’oser se faire confiance ?, questionne Béatrice Allard Coualan. Nous savons mener des projets à terme, qui produisent de la preuve et perdurent en s’adaptant. Par exemple, le travail réalisé avec les professionnels du pôle, de l’hôpital, de la collectivité et de l’ARS concernant la fragilité des personnes âgées sur le territoire de Saint-Méen et aussi, des années plus tard, la création de l’interpôle de santé de Brocéliande qui a porté, avec l’hôpital et le médicosocial, la création de la plateforme territoriale Appui Santé Brocéliande. Lorsque nous définissons précisément les besoins des uns et des autres, que nous faisons équipe au-delà de nos champs de compétences naturelles pour organiser une réponse tournée vers l’atteinte d’objectifs validés par tous, nous avançons."

"Équipe un jour, équipe toujours ! Car si les acteurs changent, il faut maintenir le cap, garder l’esprit, poursuivre les échanges, remettre le pain sur la planche entre la ville et l’hôpital, affirme Sébastien Bellec. C’est tout l’enjeu d’analyser ce que l’on a mis en place pour s’assurer que nous sommes sur la bonne voie et rectifier dès que c’est nécessaire. Je me demande si les acteurs du Ségur auront le temps et les moyens pour faire cette analyse et répondre aux besoins…"

"Notre conversation me rappelle un certain dialogue sur la nature humaine [Boris Cyrulnik, Edgar Morin, Dialogue sur la nature humaine, L’Aube, 2018, NDLR]… Nous allons participer, faire part de nos retours d’expérience in vivo et tenter de montrer la puissance des réalisations en proximité faisant d’emblée participer tous les acteurs concernés", conclut Béatrice Allard Coualan.
 

NOTE
*
On se souvient des propos de Sibeth Ndiaye : "Vous savez quoi ? Moi, je ne sais pas utiliser un masque. Je pourrais dire : “Je suis ministre, je me mets un masque”, mais en fait, je ne sais pas l’utiliser », tentant de justifier pourquoi « les masques ne sont pas nécessaires pour tout le monde". Et d’ajouter : "Parce que l’utilisation d’un masque, ce sont des gestes techniques précis, sinon on se gratte le nez sous le masque : ben, en fait, on a du virus sur les mains ; sinon on a une utilisation qui n’est pas bonne, et ça peut même être contreproductif." (BFMTV, 20 mars 2020).

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