"Je ne veux pas que la France soit le pays le plus attractif d'Europe pour un certain nombre de prestations sociales d'accès aux soins", a déclaré le récemment nommé ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau. Une phrase qui a provoqué un séisme sur la scène politique, hier soir, huit anciens locataire de l'Avenue Duquesne, de tous bords politique confondus, ont publié une tribune au Monde, s'inquiétant des "conséquences sanitaires, humaines,  sociales et économiques inacceptables" que pourrait avoir une réforme sur l'Aide médicale d'Etat (AME). "Sur un même territoire, la santé des uns participe à celle des autres." 

"Toucher à l'aide médicale d'Etat va à rebours de la logique même des politiques de santé publique que nous avons mises en place", affirment Aurélien Rousseau, Roselyne Bachelot, François Braun, Agnès Buzyn, Agnès Firmin Le Bodo, Marisol Touraine, Frédéric Valletoux et Olivier Véran, tous anciens ministres de la Santé. Créée en 2000 sous le gouvernement de Lionel Jospin, l'AME garantit aux étrangers en situation irrégulière la prise en charge gratuite de soins médicaux sous deux conditions : la résidence irrégulière continue en France depuis plus de trois mois et des ressources inférieures à un plafond 10.166 euros par an (soit 847 euros par mois). "L'AME ne constitue pas un facteur d'incitation à l'immigration dans notre pays, qui serait aux frais des Français. C'est un fantasme contraire aux faits", affirment les cosignataires, expliquant que le dispositif se limite déjà à "un périmètre précis de soins". 

Lors de l’examen de la dernière loi Immigration, la droite justement menée par Bruno Retailleau avait tenté de supprimer l'Aide médicale d'Etat pour la remplacer par une aide médicale d’urgence aux contours drastiquement réduits. Pourtant, une étude de l’Institut de recherche et de documentation en économie de la santé (IRDES) datant de 2021 affirme que la santé n’arrive qu’en quatrième position des raisons déclarées de la migration (à 9,5 %) par les bénéficiaires de l’AME, loin derrière les raisons économiques, politiques et de sécurité personnelle.  

"Affaiblir l'AME, c'est exposer notre système de santé à une pression accrue de prises en charge plus tardives et donc plus graves et plus coûteuses", alertent les anciens ministres. En 2024, l'enveloppe de l'AME prévue par l'Etat s'établit à 1,2 milliard d'euros, soit environ 0,5% des dépenses de santé prévues par le budget de la Sécu (PLFSS). Fin 2023, on comptait 466.000 bénéficiaires de l'AME. Des chiffres qui ne semblent pas faire écho au ministre de l'Intérieur, lui qui a laissé entendre cette semaine qu'il ne "s'interdisait pas de prendre, notamment par la voie réglementaire, un certain nombre de dispositions". 

[Avec l'AFP] 

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