"Cela a été une séance de travail longue avec beaucoup de détails. Cependant, des éléments manquaient à l'appel. Nous sommes sur une autre façon de travailler [par rapport aux précédentes négociations, NDLR], mais nous ne sommes pas au bout du chemin", a lancé Agnès Giannotti, présidente du syndicat MG France, au sortir de la troisième séance multilatérale, hier 8 février, qui a duré quatre heures. Si l'Assurance maladie a annoncé, une heure à peine après le début de la séance, qu'elle accepterait de revaloriser la consultation du médecin généraliste à 30 euros (sous certaines conditions), les syndicats n'ont pas "sauté au plafond" pour autant.  

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"Les 30 euros étaient bien entendu un préalable pour nous. Nous n'avons pas signé l'année dernière car nous estimons que cela est la base de la négociation. Nous pouvons continuer à avancer, on ne part pas tout de suite", signale la patronne de MG France. Cependant, pour l'heure, aucune date n'a été communiquée concernant cette augmentation du prix du G. "La profession a vraiment besoin de cette revalorisation, tout ce que nous savons, c'est qu'il y a un calendrier et que donc ça ne sera pas 'tout, tout de suite'." Problème : le 'tout de suite' dans la langue des négociations conventionnelles, signifie un délai de six mois du fait des stabilisateurs économiques, il est donc censé de penser que cette hausse du tarif ne sera pas actée avant fin 2024, voir début 2025.  

La question de la date interpelle les syndicats, tout particulièrement Luc Duquesnel, président des Généralistes-CSMF. "Si c'est pour décembre 2024 ou janvier 2025, ce sera un échec total", assène-t-il. Comme pour sa consœur de MG France, il estime que les vrais sujets se situent au-delà des 30 euros. "Nous avançons, il y a des choses positives, nous avons déjà travaillé en focus sur le forfait patientèle médecin traitant, mais nous ne sommes pas au bout du bout. Quand vont s'appliquer ces revalorisations ?" 

 

"Encore du travail"

Pour lui, la Cnam et les syndicats poursuivent tous le même objectif depuis novembre dernier : provoquer un choc d'attractivité. "Si cela s'applique en décembre 2024 ou en janvier 2025 comme cela va être normalement le cas, il n'y aura aucun choc d'attractivité pour le médecin traitant, le médecin de famille." Il craint tout particulièrement, qu'à terme, les jeunes ne se détournent de cette profession, pourtant essentielle dans notre système de santé, et que le nombre de médecins traitants continue donc de diminuer. Pour lui, la principale préoccupation des pouvoirs publics est d'une tout autre nature. "Nous avons rencontré la ministre [Catherine Vautrin] ce matin, qui nous a dit que la préoccupation première aujourd'hui, c'est qu'au mois de mai, les agences de notation ne diminuent pas la note de la France. Pour le président des Généralistes-CSMF, tout est encore possible. Nous avons encore des réunions bilatérales, la séance d'aujourd'hui était simplement une étape, une synthèse des différents focus." Même constat d'Agnès Giannotti : "Nous avançons mais nous en avons pour encore au moins un gros mois de travail." La présidente de MG France se déclare de son côté "attentive" pour la suite de ces "pourparlers". "Le chemin va être compliqué, il y a beaucoup de choses qu'il va falloir regarder en détails. Les bilatérales vont nous permettre d'affiner les (multiples) sujets. Je pense que nous allons avoir pas mal de boulot mais nous sommes prêts à travailler.” 
 
Même son de cloche pour Thomas Fatôme, directeur général de l'Assurance maladie, lors du briefing presse qui a suivi les négociations. "Nous avons encore du travail et nous devons montrer aux syndicats que nous avons mis des choses substantielles sur la table."

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En revanche, la déception est grande pour Sophie Bauer, présidente du Syndicat des médecins libéraux de France (SML). "Les revalorisations auraient dû arriver il y a trois ans et nous ne savons même pas lorsque cela sera appliqué, nous n'avons pas de calendrier. Il faudrait que nous soyons collectivement responsables d'augmenter de 5% l'installation des médecins, de leur faire augmenter leur file active de 2%, de leur faire augmenter leur patientèle de 2%, de prendre en charge des ALD, et de l'autre côté, il faut que nous stabilisions le nombre de consultations moyen. Nous sommes franchement dans la quadrature du cercle", proteste-t-elle. Pour la médecin, il n'est tout simplement pas possible d'y arriver dans les territoires. "Que se passera-t-il alors pour les revalorisations ? Nous avons compris qu'ils souhaitaient mettre en place un calendrier très progressif, de façon à nous couper les revalorisations si on n'arrive pas aux objectifs, qui sont actuellement inatteignables !" 

De son côté, Thomas Fatôme s'est félicité de cette séance jugée "intense et studieuse. Il y a eu beaucoup d'échanges et de questions et bien sûr, pas mal d'impatience." Il précise qu'il reste de nombreux travaux à poursuivre dans les prochaines semaines. "Nous avons fait des propositions fortes de revalorisation d'un certain nombre de consultations, notamment de celle de médecine générale à 30 euros." Trois sujets principaux ont été "sélectionnés" : transformation des modes de rémunération des médecins ; l'accès aux soins et son amélioration ; la qualité et la pertinence des soins. Fidèle à son leitmotiv, Thomas Fatôme a rappelé qu'il y aura "un accord sur tous ces sujets, ou il n'y aura d'accord sur rien".  

 

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