Le 8 novembre 2016, Mr D. se rend au cabinet de son médecin généraliste, alors remplacé par le Dr C. Pensant avoir rendez-vous, il est toutefois apparu qu’en raison d’un malentendu lors de son appel téléphonique au secrétariat du cabinet deux mois auparavant, ce patient n’avait pas rendez-vous. Le Dr C. l’invite néanmoins à attendre, mais le patient adresse alors à la secrétaire médicale des propos désobligeants, sur un ton agressif, en mettant en cause ses qualités professionnelles. Le Dr C. lui demande alors de quitter les lieux et de « chercher un autre médecin ». Une plainte à l’Ordre est par la suite déposée par ce patient contre le médecin remplaçant qui écopera d’un blâme de la part du Conseil national de l’Ordre. Saisi en dernier recours, le Conseil d’État, dans un arrêt du 29 juin 2020, a annulé cette décision et donné raison à ce praticien.

Dans sa décision, le Conseil d’État devait rappeler qu’aux termes de l’article R.4127-3 du Code de la santé publique, « le médecin doit, en toutes circonstances, respecter les principes de moralité, de probité et de dévouement indispensables à l’exercice de la médecine ». Et l’article R.4127-47 du même code d’ajouter que « quelles que soient les circonstances, la continuité des soins aux malades doit être assurée. Hors le cas d’urgence et celui où il manquerait à ses devoirs d’humanité, un médecin a le droit de refuser ses soins pour des raisons professionnelles ou personnelles ».

Ce médecin remplaçant a-t-il failli à ces obligations ? Contrairement à la position prise par l’Ordre national, le Conseil d’État a justifié les raisons pour lesquelles ce médecin généraliste n’avait finalement pas reçu ce patient, après l’avoir invité à attendre : non seulement son comportement agressif mais également l’absence d’urgence médicale.

Si un médecin a pour premier devoir de porter secours aux patients, en l’absence d’urgence avérée qu’il lui appartient d’apprécier, il ne saurait accepter d’être dénigré ou injurié, et encore moins son personnel. Le médecin peut alors se dégager de sa mission et reprendre sa liberté d’action individuelle. Comme le rappelle l’Ordre dans ses commentaires de l’article R.4127-47 du code de la santé publique, un médecin peut refuser ses soins en l’absence d’urgence, à condition de prévenir son patient en lui proposant de transmettre les informations nécessaires à la continuité des soins à un autre médecin désigné par ce patient. À la liberté de choix du patient correspond cette liberté du médecin, même si celle-ci est soumise à conditions.

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