Les mutations du gène N-acylsphingosine amidohydrolase 1 (ASAH1), qui code pour la céramidase acide, entraînent un déficit de l’activité de cette enzyme lysosomale (voir encadré) ; celle-ci hydrolyse en sphingosine et acide gras le céramide, un sphingolipide membranaire constitutif de la sphingomyéline, dont l’accumulation tissulaire est toxique.

Deux maladies lysosomales proches mais distinctes par le taux d'activité enzymatique

La mutation dans l’exon 2 de ce gène entraîne un déficit en céramidase incomplet (10 à 30 % d’activité). Il est responsable de l’amyotrophie spinale associée à une épilepsie myoclonique progressive (spinal muscular atrophy associated with progressive myoclonic epilepsy, SMA-PME), forme rare d’amyotrophie spinale proximale chez l’enfant, de transmission autosomique récessive. La maladie, qui atteint les motoneurones de la moelle épinière, se déclare entre 6 et 10 ans par une faiblesse musculaire (qui gagne les muscles de la respiration et de la déglutition) et par des crises d’épilepsie myoclonique, des tremblements des mains, des pertes d’audition. Le décès survient dans les dix ans qui suivent le début de la maladie.

Une autre mutation de ce même gène provoque un déficit complet en céramidase (activité inférieure à 10 %), à l’origine de la maladie de Farber, une des maladies lysosomales les plus rares. De transmission autosomique récessive elle aussi, elle survient plus précocement, parfois dès la vie intra- utérine. Elle se caractérise par les symptômes fréquents suivants : infections respiratoires à répétition, laryngomalacie (raucité de la voix, aphonie), nodules cutanés, petite taille, raideur et douleur articulaire, retard mental sévère, faiblesse du tonus musculaire, épilepsie, retard du développement, anomalies cardiaques, pulmonaires, hépatiques, et parfois opacité cornéenne, splénomégalie.

Le dosage de la céramidase acide ou l’étude du catabolisme du céramide dans les leucocytes sanguins ou les fibroblastes de peau en culture confirment le diagnostic.

Asap for children est présidée par le Dr Michel Vincent, dont la petite-fille, Calixte, 11 ans, est atteinte d’une SMA-PME. Celle-ci s’est manifestée en 2016 par des chutes, des difficultés à sauter, repérées par son professeur de tennis, puis des difficultés à entendre, ce qui fit craindre une tumeur cérébrale. Mais ce n’est qu’en novembre 2018 qu’a été évoquée une probable maladie génétique. Un diagnostic confirmé un mois plus tard, après deux ans d’errance, par le Pr Odile Boespflug-Tanguy, présidente du conseil scientifique de l’AFM-Téléthon, qui a demandé un dosage de la céramidase : « La consultation a duré quatre heures. Il faut prendre du temps pour recueillir l’accumulation de signes. Le diagnostic reste difficile. Le défi est aussi celui d’un dépistage précoce pour être efficace. Mais on n’est pas assez nombreux pour s’occuper de dix familles recensées dans le monde ! »

Malgré le pronostic très péjoratif de cette maladie neurodégénérative, les parents de Calixte fondent leur espoir sur la thérapie génique : pour preuve, l’onasemnogene abeparvovec (Zolgensma), un vecteur de transfert AAV9, efficace par voie sanguine pour traverser la barrière hémato-encéphalique et apporter le gène SMN (survival of motorneurone, identifié en 1995 par Judith Melki), permet un développement quasi normal des enfants traités dès la naissance ; il vient d’être autorisé par la FDA chez l’enfant de moins de 2 ans ayant une amyotrophie spinale. On pourrait utiliser ce même vecteur pour produire une thérapie génique de la SMA-PME, ou encore le vecteur AAV8 qui, lui, est efficace dans la myopathie myotubulaire.

Actions

L’association veut accompagner les malades et leurs parents, leur apporter conseils moraux et financiers, mettre en relation leurs familles. Recensant les patients, elle est entrée en contact  avec des familles de patients étrangers (Canada, ÉtatsUnis, Russie, Grèce, Pologne). Pour connaître les attentes des Français et leur niveau de connaissance en matière de maladies rares, elle a fait réaliser un sondage, un an après le lancement du troisième Plan national maladies rares (voir encadré).

Ses résultats corroborent ceux des enquêtes d’Eurordis, qui fédère 800 associations de patients ayant une maladie rare dans 70 pays : selon l’enquête Erradiag réalisée par l’Alliance maladies rares en 2016, le délai diagnostique est de plus de cinq ans pour un quart des patients. Précisément, l’association veut sensibiliser l’opinion et le corps médical pour favoriser le diagnostic précoce, sachant que l’évolution de la maladie pourrait être freinée par une enzymothérapie substitutive par la céramidase, qui fait l’objet d’un essai clinique fin 2019 dans la maladie de Farber, ou par la greffe de moelle osseuse avec donneur compatible.

Elle veut lever des fonds, grâce à l’organisation d’événements sportifs ou culturels, pour soutenir la recherche de thérapies innovantes, notamment géniques, et mobiliser les décideurs pour favoriser le développement d’une filière française de biothérapie. Elle a organisé le premier colloque international consacré à ces deux maladies et à l’actualité de la thérapie génique à Lyon, les 27 et 28 juin 2019.

Zhou J, Tawk M, Tiziano FD, et al. Spinal muscular atrophy associated with progressive myoclonic epilepsy is caused by mutations in ASAH1. Am J Hum Genet, 2012.

Une cinquantaine de maladies lysosomales

Le lysosome recycle les métabolites issus du fonctionnement cellulaire grâce aux enzymes. Que les maladies lysosomales, toutes d’origine génétique, soient dues à l’absence ou au déficit d’une enzyme, ou au défaut d’une protéine de transport, l’accumulation dans le lysosome du produit qui aurait dû être dégradé et évacué provoque une maladie de surcharge, responsable de lésions graves et irréversibles de tous les organes. En 2016, l’association Vaincre les maladies lysosomales* en recensait 53 :  la maladie de Farber fait partie des lipidoses, à côté des glycogénoses de type 2, des oligosaccharidoses et glycoprotéinoses, des anomalies du transfert lysosomal, des mucopolysaccharidoses (MPS), des céroïdes lipofuscinoses neuronales, etc.

Voir aussi Le Concours médical, mai 2016, 138, 360-1.
 

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