Le Service d’aide multi-professionnelle pour enfants et adolescents en difficulté (Samead) a fait du chemin. Tant dans l’évolution de ses missions que dans son appellation  : "Au départ, nous avions pensé à Samed pour donner l’idée que le dispositif, 'ça m’aide' mais on a dû y glisser un 'a' en rajoutant les adolescents. Aujourd’hui, chacun le nomme comme il veut", confie Roland Muzelle, médecin généraliste retraité et coordonnateur du Samead. L’idée du projet, lancé début 2011, émane d’un double constat : d’une part, les difficultés rencontrées par les médecins de ville à adresser les enfants et adolescents ayant un trouble de santé mentale, et de l’autre, l’engorgement des services hospitaliers confrontés à une très forte demande pour des troubles psychopathologiques réactionnels ne relevant pas d’un service de niveau 2.



Géré par une association loi 1901, le dispositif est animé par une équipe pluridisciplinaire dont le Dr Fabrice Moschetti (à gauche), Isabelle Brescancin (infirmière) et le Dr Roland Muzelle. © R.M.

 

Leur idée : mettre en place un dispositif permettant une première évaluation des troubles et offrant des possibilités de prises en charge. D’autant que les délais d’attente en centres médico-psychologiques (CMP) et centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP), en centres d’action médico-sociale précoce (CAMSP) ou maisons des adolescents sont souvent très longs, et que certains libéraux – psychologues, ergothérapeutes, psychomotriciens, art-thérapeutes… – ne sont pas pris en charge par la Sécurité sociale.

Un difficile accès aux soins

Située dans le département de la Loire, la région de Roanne connaît, depuis quelques années, une diminution de l’offre de soins, notamment en ce qui concerne "les pédopsychiatres et les psychiatres", notent les initiateurs du dispositif. Des difficultés d’accès aux soins aggravées par des "ressources limitées, un isolement géographique et une quasi-absence de transports en commun", déplore le Dr Muzelle. Si au départ, le dispositif est mis en place sur onze communes (comptant quatre médecins généralistes), il est rapidement élargi à seize communes (onze médecins) puis à quatre communautés de communes (une trentaine de médecins) : Copler, Val d’Aix et Isable, pays d’Urfé et Balbigny, soit près de 6 000 enfants âgés de moins de 19 ans, sur une population globale d’environ 36 000 habitants.

Décembre 2007. La loi de financement de la Sécurité sociale a été votée, ouvrant la voie à de nouveaux modes de rémunération pour des actions coordonnées entre professionnels de santé sur un territoire. L’équipe dépose donc, à l’automne 2008, un projet de service d’aide pour les enfants et les adolescents présentant des troubles des apprentissages, psychologiques, ou psychomoteurs… Retenu au niveau national, le dispositif Samead est adossé à la création d’un pôle et d’une maison de santé et d’une équipe pluridisciplinaire. Il reçoit une contribution de l’ARS pour créer un parcours de soins de proximité avec des professionnels libéraux et les pédopsychiatres des CH de Roanne et du Forez.

"La création du Samead s’est faite en lien étroit avec le service pédopsychiatrique de Roanne : comment être un service de deuxième ligne et recevoir plus rapidement les situations complexes, difficiles et nécessitant des soins spécialisés sans pour autant laisser les autres familles sans solution ?", explique le Dr Fabrice Moschetti, pédopsychiatre et chef de service psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent. Il était donc impératif qu’elles trouvent, à proximité de leur domicile, des professionnels compétents pour prendre en charge des troubles réactionnels (troubles anxieux à la suite d’une séparation familiale, troubles anxiophobiques, troubles du sommeil, troubles du comportement ou toute difficulté au sein de la cellule familiale, etc.) et d’apprentissage.

L’entrée dans le dispositif

"Nous accueillons des enfants ou adolescents de 4 à 17 ans. Dans certains cas, le suivi va au-delà de la majorité, afin de ne pas créer de rupture dans le parcours… On peut aussi proposer un relais vers le CMP adulte ou des psychiatres en privé", poursuit le Dr Moschetti. La demande émane généralement du médecin généraliste, du pédiatre, du médecin scolaire ou du médecin de PMI. "Un premier contact téléphonique avec la famille me permet d’analyser la demande et l’urgence, explique Isabelle Brescancin, infirmière coordinatrice. Les troubles sont-il s installés ou est-ce une inquiétude de la famille ou du médecin ?" Elle reçoit ensuite l’enfant et la famille et aborde la question du quotidien et de l’environnement social, familial et scolaire, recueille les données administratives, rédige la demande de soins et vérifie les critères d’inclusion au dispositif(1).

L’enfant est ensuite dirigé vers l’un des quatre lieux d’exercice du Samead (Saint-Symphorien-de-Lay, MSP de Régny, Saint-Germain-Laval et Babigny) où il rencontre le psychologue ou le psychomotricien, en fonction de la demande et des besoins. "Les thérapies sont généralement brèves (une dizaine de séances) mais elles peuvent aussi s’étaler sur quelques années", relate le pédopsychiatre du CH de Roanne. Les cas les plus complexes sont référés au CMP pour des suivis plus spécialisés. Des synthèses cliniques pluridisciplinaires ont lieu tous les mois entre les pédopsychiatres du CH de Roanne ou du Forez, le médecin coordonnateur, l’infirmière coordinatrice, les psychologues et psychomotriciens, afin d’échanger sur l’analyse des difficultés du patient et d’aboutir à une préconisation de soins individualisée. "Nous invitons aussi le médecin qui a adressé l’enfant afin de discuter de la prise en charge proposée, mais ce n’est pas toujours simple pour un médecin de ville de se libérer pendant deux heures, ajoute le Dr Muzelle. En revanche, nous échangeons régulièrement et le tenons informé de la suite ou de la fin des soins." 

Une charte de bonnes pratiques

Tout professionnel impliqué dans le dispositif signe une charte précisant les rôles et missions de chacun, mais surtout l’importance du travail collectif car "le projet de soins se fait en équipe", ajoute Isabelle Brescancin. Le Samead propose aussi des formations pour les médecins libéraux du territoire : troubles d’apprentissage, psychopathologies de l’enfant et de l’adolescent, troubles du sommeil. "En tant que médecin en milieu rural, j’ai souvent observé la pauvreté de la formation initiale en matière de santé mentale. Il nous a donc semblé important de privilégier la formation continue sur ces sujets. Et si nous avions les moyens financiers, nous pourrions élargir ces formations à d’autres professionnels de santé", regrette le Dr Muzelle.

Une enquête annuelle est réalisée auprès des médecins généralistes et un rapport d’activités édité(2) : file active, soignants impliqués, évolution des prises en charge… "Le bilan est positif. Dans le cadre d’un travail pluriprofessionnel, le Samead apporte une réponse à des situations de santé mentale pour lesquelles il n’y avait pas encore de réponse", note le Dr Muzelle. "Et le CMP peut remplir sa mission : apporter une réponse spécialisée à des problématiques plus ciblées", poursuit le Dr Moschetti. Un projet d’accueil d’un interne de médecine générale sera déposé en octobre prochain, et proposera une initiation au dépistage, au bilan et à la prise en charge des troubles neurodéveloppementaux de l’enfant.

1. En cas contraire, l’enfant est dirigé vers une solution plus adaptée, par exemple l’orthophonie ou une structure CMPP, CAMSP, CMP.

Un accompagnement chiffré

Lancé en 2011 sur le secteur de Saint-Symphorien-de-Lay, le Samead compte aujourd’hui une file active de 356 enfants. "Entre 2017 et 2018, nous avons dû réduire la file active pour des raisons budgétaires. Le nombre de demandes était en hausse mais nous avions la même enveloppe budgétaire. De 497 jeunes patients en 2017, nous n’avons pu prendre en charge que 356 en 2018, déplore le Dr Muzelle. Il a donc fallu adapter les réalités financières aux besoins." Face à l’impossibilité d’assurer des prises en charge gratuites, l’équipe demande désormais une participation aux familles : 5 euros par entretien auprès d’un professionnel du Samead.

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