Jeudi 8 juin, 9 heures 30, le camion itinérant de l’opération "Mammo Solidaire" est stationné près du pavillon Mangan du service psychiatrique de l’hôpital Saint-Anne, dans le XIV arrondissement de Paris. À peine revenu d’Allemagne, le camion est de nouveau mobilisé pour une campagne de dépistage, cette fois un peu particulière puisqu’elle s’adresse à des femmes "précaires", "ayant des difficultés d’accès aux soins". À l’origine de cette initiative, la Société française de radiologie (SFR) qui s'est basé sur un rapport de la Dress (l'état de la population française), paru en septembre 2022. "En 2019, il y a presque 40 % des femmes en âge d’avoir un dépistage, dans les 24 % les plus précaires, qui n’ont jamais fait de dépistage ou qui ont une mammographie de plus de deux ans. Elles ne sont que 24 % chez les plus aisées" rappelle Alain Luciani, secrétaire générale de la SFR, qui rappelle par ailleurs que "la précarité sociale, au sens large, est une source de moindre accès aux soins […]. Il y a des situations médicales particulières qui éloignent les patientes […] du dépistage".

C’est notamment le cas de ces patientes venues se faire dépister ce 8 juin, qui, en plus d’avoir entre 50 et 74 ans, ont toutes un dénominateur commun : la pathologie psychiatrique."On sait que les femmes vivant avec un trouble psychiatrique, ont 13 ans d’espérance de vie en moins (16 ans pour les hommes), explique le docteur Nabil Hallouche, chef du pôle maladie somatique au GHU Paris psychiatrie & neurosciences et responsable du recrutement des patientes. Cela est dû principalement à des causes médicales physiques, notamment des cancers. […] Elles ont des obstacles sur l’ensemble du parcours de soins, dont le dépistage. L’initiative d’aller vers ces personnes me parait donc essentiel."

Une trentaine de dépistage doivent être réalisés au cours de ces deux journées

 

Pourtant, à 10 heures, la première patiente se fait attendre. "Elle ne viendra pas", suppose le professeur Nicolas Sellier, référent de l’imagerie mammaire en France, bien conscient des freins qui s’opposent au dépistage de ces femmes. "Deux éléments limitent l’accès des femmes : l’appréhension personnelle […] et l’éloignement par rapport aux structures de dépistage". Un éloignement non pas géographique,"on ne peut pas vraiment dire qu’en France, on ait des déserts médicaux radiologiques", mais plutôt structurel. "[Elles sont] dans une démarche qui utilise tout [leur] cerveau, [leur] personnalité", précise-t-il. Quant à cette patiente décidément bel et bien absente, "il y a un travail d’approche complémentaire qui va sans doute être fait par l’équipe de soin qui s’occupe de cette patiente", indique-t-il.
 

Une prise en charge douce

Pour rassurer les patientes face à leurs angoisses et leur appréhension, "Mammo Solidaire" tente pourtant de s’adapter. "On a élargi les créneaux de rendez-vous pour tenir compte de la spécificité de ces femmes. Il faut prendre un peu plus de temps, être plus rassurant, plus accompagnant", explique le docteur Hallouche. Être rassurant, c’est aussi l’une des missions de Mounia, la technicienne en imagerie médicale qui accueille les patientes. La voix douce, elle explique : "La mammographie est un examen très anxiogène. Les patientes viennent souvent à reculons, voire ne viennent pas du tout parce qu’elles angoissent, à la fois pour la douleur de l’examen et pour le résultat."
 

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