Du côté des médecins, les interrogations portent sur la limitation des actes de télémédecine à 20 % du total annuel des actes par praticien. "Un chiffre probablement fixé au doigt mouillé. C’est un bâton dans les roues de plusieurs spécialités comme la psychiatrie ou l’anesthésie", regrette Anna Boctor qui souhaiterait que les sociétés savantes émettent des recommandations de bonnes pratiques pour chacune de leurs spécialités. Même point de vue chez Pierre Simon qui voudrait des quotas en fonction des pathologies et des parcours…
La question de la territorialité fait aussi débat. Si les industriels souhaitent que la télémédecine ait une approche libérale, les médecins se montrent plus prudents. "Si une téléconsultation doit déboucher sur une consultation en présentiel, cela risque d’être difficile si le médecin est à 800 km !", fait remarquer le fondateur de la Société française de télémédecine.
Pour les industriels, la priorité est de doter le secteur d’un modèle économique fiable. "En dehors de la télésurveillance, les modèles actuels ont été faits en décalque de la médecine présentielle", déplore Jean-Pascal Piermé, président du LET, qui suggère d’autres pistes : différencier l’acte intellectuel d’un forfait technique ou distinguer dans les territoires le financement de l’accès aux soins dans un territoire du soin lui-même.
Le deuxième souhait des entreprises est d’aller vers un statut d’opérateur de santé numérique. Un premier pas a été fait par l’agrément des sociétés de téléconsultation, prévu à l’article 53 de la LFSS 2023 qui leur permettra d’obtenir le remboursement des actes réalisés par les médecins qu’elles salarient.
Si un sujet a fait consensus, c’est la nécessité de réguler l’offre de télémédecine. Start-up, assureurs complémentaires, opérateurs traditionnels, acteurs étrangers et le géant des rendez-vous en ligne Doctolib se disputent aujourd’hui un marché en pleine expansion sans aucun cadre juridique, avec pour certains, le risque d’une ubérisation de la médecine. "Il faut éviter de potentielles dérives vers une financiarisation de la médecine !", met en garde Anna Bactor.