« Le projet est parti d’une démarche de pertinence, lance d’emblée le Dr Sylvia Benzaken, médecin immunologiste, vice-présidente de la commission médicale d’établissement (CME) et coordinatrice de la gestion des risques au CHU de Nice. Face au sur-recours des interventions de chirurgie bariatrique dans la région Paca, l’Instance régionale d’amélioration de la pertinence des soins (Iraps), que je préside, a été missionnée par l’ancien directeur général de notre agence régionale de santé (ARS) pour constituer un groupe de travail avec les professionnels de santé de la région et les deux centres spécialisés de lutte contre l’obésité. » Car si en région Paca le taux d’obésité est plus faible que la moyenne nationale, les actes de chirurgie liés à cette pathologie y sont plus fréquents (+20 %), explique son ARS : « Une chirurgie aux conséquences lourdes qui nécessite une préparation spécifique et un suivi tout au long de la vie pour assurer l’efficacité de l’indication et éviter des complications. »
Sylvia Benzaken le confirme : certains départements, comme le Var, avaient deux fois plus d’interventions que la moyenne nationale. « Mais l’identification de cet apparent sur-recours n’était qu’un signal d’alerte, car à travers notre projet, nous voulions donner un aspect plus médicalisé et qualitatif, et ne pas se focaliser, comme l’Assurance maladie, sur les chiffres ; l’autre volet du sous-recours n’étant pas appréhendé. Et partir plutôt sur la notion de parcours pour tenter de définir le parcours idéal du patient pour une prise en charge pluriprofessionnelle tout en impliquant celui-ci dans ses soins. »
Coordination et financement
Finalisé en juin 2019, ce parcours patient souffrant d’obésité sévère et de comorbidités dessinait les grandes étapes, du pré- au postopératoire : les six mois avant l’intervention de chirurgie bariatrique, avec la mise en place d’un « passeport patient », une réunion de concertation pluriprofessionnelle (RCP) harmonisée, les bilans des consultations de spécialistes, un parcours éducatif avant et après l’intervention, ainsi qu’un suivi au long cours. Un parcours finement ficelé mais qui comptait des interventions de soins ou des prestations non financées par l’Assurance maladie : le recours aux diététiciens et psychologues, l’activité physique adaptée (APA), le temps de l’éducation thérapeutique, les compléments vitaminiques, les tests biologiques… « Le dispositif “article 51” a été la cerise sur le gâteau, se réjouit Sylvia Benzaken, grâce notamment à la possibilité de financements dérogatoires. Nous avons ainsi pu financer les actes jusque-là non pris en charge ainsi que la coordination de parcours. »
La charte « Paca Obésité » (PacO), signée par les établissements participants, vise plusieurs objectifs : améliorer la prise en charge immédiate et à long terme, permettre l’accès sans surcoût à un parcours de soins suivi par des indicateurs de qualité et notamment mesurés par les patients, assurer un parcours coordonné et pluriprofessionnel, amener les établissements de santé de la région à améliorer la pertinence de la prise en charge et à s’approprier ces démarches de prévention, mesurer l’impact du financement du parcours sur la qualité de la prise en charge, organiser une coordination régionale du projet et du système d’information, ou encore évaluer la satisfaction des usagers et des professionnels.
« Cette question de pertinence du parcours de chirurgie bariatrique est un aspect qui intéresse tout particulièrement les centres spécialisés de l’obésité, dont les deux missions tournent autour de la prise en charge des obésités sévères et de la coordination de la filière de soins régionale », explique le Dr Véronique Nègre, pédiatre au CHU de Nice, coordinatrice des deux CSO en Paca et présidente de l’APOP*. Car si le patient est très bien suivi par l’équipe hospitalière pendant la première année post-chirurgie, petit à petit, il a tendance à s’éloigner du soin. « Et c’est là que l’on souhaite impliquer plus fortement les médecins généralistes », poursuit-elle.