Article publié dans Concours pluripro, novembre 2023
 

"Dans ma vie, j'ai eu deux jalons : les douleurs, qui m'ont toujours accompagnée, et la volonté de vivre heureuse", affirme Justine Bodin d'une voix posée et réfléchie. Elle n'a que 30 ans, mais elle a grandi trop vite, comme souvent les personnes confrontées dès leur enfance à la gravité du monde adulte au travers de l'expérience de la maladie. "Déjà toute petite, j'avais des douleurs tous les jours et une grosse fatigue." L'enfant se plaint souvent, mais ses parents ne soupçonnent guère que, derrière les pleurnicheries, se cache une pathologie. Quand, plus tard, celle-ci sera enfin diagnostiquée, ils battent leur coulpe de ne pas avoir entendu leur fille. Mais elle ne leur adresse pas de reproches : "C'est très compliqué de distinguer ce qui tient d'une pathologie ou d'un enfant qui pourrait avoir tendance à se plaindre..." Née au Mans, dans "une famille de gendarmes et militaires sur plusieurs générations", elle déménage à l'âge de 8 ans à Rennes, en raison de la mutation de son père. "J'ai eu une scolarité normale jusqu'au lycée." Mais les douleurs et l'épuisement l'empêchent de poursuivre dans un établissement classique. "J'ai eu l'étiquette quelque peu rapide de phobie scolaire, dans laquelle je ne me reconnaissais pas, mais cela m'a permis d'intégrer un lycée qui prenait en compte l'impact des soucis de santé sur la scolarité. De plus petites classes, des professeurs compréhensifs, un emploi du temps souple..." Elle s'y épanouit et, une fois le bac en poche, elle se lance avidement dans les études supérieures à l'université de Rennes. Hélas ! cette maladie qu'elle ignore encore l'empêche de tenir le rythme.

 

"Je ne me définis pas par ma maladie"

Justine Bodin effectue alors un service civique au sein de la gendarmerie. "Ma mission était de participer à la coconstruction et la coanimation de formations sur les addictions : l'alcool, les drogues, les écrans." Elle poursuit alors des études à distance et obtient, en 2017, un master 2 en administration et management public. Et envisage de devenir fonctionnaire territoriale, à l'image de sa mère, en espérant un poste adapté à ses besoins. "Je me voyais bien faire du management de projet. J'ai une appétence pour le contact avec l'autre, la compréhension de son raisonnement. J'aime questionner nos représentations respectives, les croiser." Cette même année, sa pathologie est diagnostiquée, à la suite d'une aggravation des symptômes apparue en 2016. Une maladie orpheline qu'elle refuse de nommer. "Je ne me définis pas par ma maladie."

Justine Bodin devient assistante puis cheffe de projet à la direction des ressources humaines de Rennes Métropole. "C'était dur, physiquement. J'ai quitté mon poste en 2020." En parallèle, elle se forme, en 2019, aux "quarante heures" en éducation thérapeutique du patient à l'Ireps.

 

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