Ce matin-là, Margaux et Thomas* discutent d’une prise en charge. Les avis divergent et le ton monte. Rien de bien grave, si ce n’est des petites piques qui traduisent leur énervement. Mais ils n’en parlent pas pour autant, craignant d’envenimer la situation. Tout devait s’arrêter là mais les bruits de couloir ont pris le pas. Les collègues se sont rangés dans l’un ou l’autre camp, assaisonnant au passage la tension ambiante de quelques commentaires bien relevés. Dix jours plus tard, l’équipe était scindée en deux et l’espace de travail divisé selon un accord tacite. Et finalement, le silence, la volonté de ne plus communiquer ou répondre au téléphone ou faire les transmissions…

Une structure de soins, une dizaine de professionnels d’expériences et de parcours différents, tant de chocs possibles. "Il a pété les plombs", "elle est en burn-out", "ils ne se parlent plus", "je ne la supporte plus"… Toute interaction étant empreinte d’une charge émotionnelle, la cohabitation professionnelle peut vite se teinter de nuances de rouge (de colère), de vert (de jalousie) ou de bleu (à l’âme). Avec pour conséquence, deux alternatives : se taire ou exploser. Et de l’un à l’autre, il n’y a souvent qu’un pas.

 


Karen Ramsay, rédactrice en chef


L’équipe pluriprofessionnelle est-elle source de conflits ? C’est la question qui sous-tend notre dossier : comment gérer un conflit au sein d’une équipe de soins primaires ? de quels outils dispose-t-on ? faut-il solliciter une aide extérieure ? la médiation est-elle un bon levier ? Si la publication – imminente – d’un décret, fixant le cadre du dispositif de médiation national et inter-régional, doit définir les contours de cette nouvelle fonction de médiateur (et de médiateure, nous précise-t-on), son application en ville n’a pas encore été envisagée.

Toutefois, si les professionnels libéraux sollicitent une médiation par le service public, "il faudrait que l’on regarde la question. Pourquoi pas…", note Édouard Couty, le médiateur national. Une timide réponse – mais honnête – face à une vraie question de qualité de vie au travail car les équipes en ville sont aussi sujettes à la colère, aux cris, aux frustrations, à l’absence de dialogue… Plus encore quand il s’agit de construire à plusieurs les fondations, d’ériger et de faire vivre un projet commun. Loin d’être "un aveu de faiblesse", le recours à la médiation permet d’exprimer les non-dits, les frustrations, les fragilités. Car au cœur de chaque conflit, il y a souvent une personne en souffrance.

* Prénoms fictifs

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