Article publié dans Concours pluripro, décembre 2024
 

Voilà bientôt trente ans que 64 participants (soignants, patients, philosophes, sociologues...), représentant 29 nationalités, réunis dans un séminaire à Salzbourg en Autriche, avaient appliqué à la pratique médicale la célèbre sentence "Nothing about me without me". Ce qui, du point de vue du patient, peut se traduire par "Rien ne se passe sans que je sois au courant" ou plus trivialement "Ma santé est avant tout mon affaire". Sentence dont l'origine semble être le fait d'une culture politique européenne, soucieuse de faire vivre la démocratie... et qui, depuis lors, a été reprise – et quelquefois détournée – dans divers secteurs professionnels.

Dans tous les cas, dès lors que la sentence était proclamée, il était licite d'envisager que la voix du patient soit enfin mieux entendue et que le colloque singulier s'en trouve rééquilibré.

Et on peut alors, en 2024, être tenté de répertorier les avancées de la place et de l'influence du "patient" dans les systèmes de soin des pays développés. Ces avancées sont nombreuses et réelles. Parmi elles, les droits des malades enfin établis, la propriété de leurs données médicales, l'accès et la participation des patients à des processus de décision – souvent via des associations représentatives – comme la mise sur le marché de médicaments ou de dispositifs médicaux et plus récemment l'engagement de patients pour définir des projets de santé, à l'échelon d'une organisation de soin ou d'une instance administrative ou encore d'une structure de recherche.

Enfin, il faut souligner l'avènement ces dernières années (à l'international, même si la France est coleader sur ce sujet) des "patients partenaires" et les multiples potentialités qui en découlent, depuis une meilleure prise en compte du fardeau que peut représenter une maladie jusqu'à la formation des étudiants et sans négliger l'accompagnement des malades et de leur entourage.

Mais on peut aussi regretter que les choses n'aillent pas plus vite et plus loin. Si bien que l'on peut opposer l'utopie aux réalités.

 

Une organisation accessible, collaborative et coordonnée

L'utopie s'exprime en particulier dans la dénomination "Patient-Centered Medical Home" (PCMH). Ces regroupements pluriprofessionnels constituent la pierre angulaire de la réforme en cours dans la plupart des pays développés au bénéfice des soins primaires. Et correspondent pour les pays qui privilégient l'anglais (Amérique du Nord, Australie et Scandinavie) à nos maisons de santé (MSP).

Les valeurs qui traduisent ce "patient-centered" sont exigeantes ; elles sont opportunément rappelées dans une publication du NEJM Catalyst de 2017. Avant tout, servir au mieux chaque patient et ses aspirations par une organisation accessible, collaborative et coordonnée ; la finalité est le confort maximal du patient ainsi que son bien-être. Cela est supposé passer par la meilleure prise en compte de ses valeurs et traditions et de sa situation socio-économique.

Au-delà, l'information disponible est partagée afin que le patient et son entourage prennent leur part aux prises de décision...

À la lecture de ce qui caractérise le "patient-centered", on apprécie mieux l'ambition du propos et l'évolution qui reste à accomplir pour traduire cette utopie dans la réalité. Mais la voie est ouverte, et des réalisations pratiques existent, par exemple les procédures de décisions médicales partagées qui se banalisent, en particulier en cancérologie.

Si bien que la parole de William James Mayo, l'un des fondateurs de la Clinic homonyme, finira bien par trouver son écho quand il indiquait en 1910 que "the best interest of the patient is the only interest to be considered".

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