Article publié dans Concours pluripro, juin 2023
 

Pour Philippe Lamoureux, ancien secrétaire général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et administrateur de diverses institutions européennes et mondiales de pharmacologie (Efpia et FIIM), la santé de demain est intimement liée aux vagues massives d'innovations passées, présentes et futures. Pour cet expert du médicament, il y aura des "transformations incroyables" dans de nombreuses aires thérapeutiques. Il cite, en exemple, l'ARN messager qui, en 2025, devrait être utilisé dans le vaccin contre la grippe mais qui devrait aussi "ouvrir de nombreuses pistes pour d'autres pathologies".

Aujourd'hui, à l'échelle mondiale, il y a 400 essais cliniques en cours dans plusieurs domaines, comme le cancer, les maladies respiratoires et neurologiques, l'arthrose et même la dépression. Il évoque également CRISPR-Cas9, les fameux "ciseaux moléculaires" qui vont étendre les possibilités de la génétique à l'infini. "Dix ans après [leur] découverte, il y a déjà des débouchés cliniques, et aucun secteur de la biologie ne va y échapper. Il en va de même pour l'immunothérapie, dont les progrès sont incessants." Pour le spécialiste, l'essor des thérapies géniques et cellulaires, qui a déjà débuté depuis quelques années, va entraîner une arrivée massive d'innovations.

 

Des transformations considérables et inévitables

Depuis 2017, le rythme de l'innovation s'accélère et "chaque année vient effacer la précédente en termes de records". En 2021, le nombre de substances actives approuvées par l'Agence européenne des médicaments (EMA) a augmenté de 30 %. "Nous sommes en train de vivre trois révolutions." La première, c'est la transition de la chimie aux sciences du vivant. "L'innovation viendra principalement des biotechnologies." Deuxième changement majeur, le médicament ne sera plus qu'un élément d'une "mixthérapie", une solution globale de santé. "Il s'agira de solutions thérapeutiques qui viendront s'appuyer sur des diagnostics, sur de la data, sur le dispositif médical et et sur le médicament." Troisième et dernière mutation, qui semble avoir déjà débuté, le glissement du produit vers le service, "chose que l'on ressent très fortement aux États-Unis mais pas encore en France". L'industrie, qui est "un peu dans la situation des majors dans les années 1970", va être amenée à s'interroger sur le service qui va venir accompagner le produit. "Cette vague technologique va faire littéralement exploser le système de santé", qui sera confronté à trois défis.

Le premier concerne l'organisation de la chaîne de décisions administratives. Les patients vont demander un accès de plus en plus précoce. Les produits de santé vont passer de "l'in vitro à l'in vivo". Autrement dit, il y aura un enjeu extraordinaire autour de la médecine translationnelle, ainsi qu'autour de la mise au point des traitements en vie réelle et de leur suivi, à partir des données générées en vie réelle.

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