Quelles seront les missions prioritaires des CPTS ?

Ce sera à la négociation de le définir. Celle-ci portera principalement sur les CPTS mais elle devra traiter plus largement de la généralisation de l’exercice coordonné. Dans son plan "Ma santé 2022", le président de la République a fait de la coordination et de l’organisation des soins de ville un enjeu clé de transformation du système de santé. On voit se dessiner deux échelles de coordination complémentaires : l’une, en proximité du patient, qui fait intervenir des professionnels exerçant au sein d’une même structure pluriprofessionnelle ou d’une équipe de soins primaires ; l’autre, à un niveau territorial plus large, avec la mise en place des CPTS. Nous aurons à travailler sur ces deux dimensions.

Les CPTS doivent être une réponse à des besoins auxquels le professionnel ne peut répondre isolément. Seule une réponse collective est efficace. C’est le cas de l’accès aux soins : organiser l’accès à un médecin traitant pour des patients qui n’en ont pas et accéder à des soins non programmés afin d’éviter des prises en charge tardives ou des recours inappropriés aux services hospitaliers. Ce seront des missions socles. Mais les CPTS doivent aller au-delà : gestion des parcours des patients lourds et complexes, liaisons entre ville et hôpital, maintien à domicile, enjeux de prévention et de qualité des pratiques... Nous allons échanger avec les syndicats sur l’idée de relancer des démarches qualité. Les CPTS pourraient être un bon cadre pour les développer. Il y a aussi des enjeux de formation, sur l’accueil des stagiaires, externes et internes.

Se dirige-t-on vers un financement forfaitaire en fonction d’objectifs, d’indicateurs, comme pour les maisons et pôles de santé ?

Nous essaierons de faire le plus simple possible. On doit accompagner l’émergence de structures de coordination en fixant un socle commun de missions essentielles, mais il faudra s’adapter aux spécificités de chaque territoire. Les CPTS seront de tailles diverses et progresseront à leur rythme. Nous devrons donc créer un cadre conventionnel ingénieux et souple pour nous adapter à ces spécificités et ces variations, entre les territoires et dans la durée. Plutôt que de définir a priori une batterie d’indicateurs nationaux qui viendraient quadriller tout le champ des possibles de ce que devraient être les CPTS aujourd’hui et demain, nous devons inventer un cadre qui fixe les fondamentaux, garantisse un socle de rémunération au regard des missions et de la population couverte mais permette aussi une forme de plasticité de manière à pouvoir individualiser les choses pour chaque CPTS. C’est nouveau, car l’outil conventionnel relevait plutôt jusqu’à présent d’une logique normative et uniforme, qu’il s’agisse de la rémunération des actes ou des forfaits.

D’ici fin 2022, l’objectif est de créer 1 000 CPTS. Comment parvenir à cet objectif sans que celles-ci ne soient des coquilles vides ?

C’est toujours un risque. Mais le pari que nous faisons, c’est de créer les conditions d’une dynamique qui s’appuie sur un accord avec les représentants nationaux des professions de santé et se déploient ensuite à partir des territoires. Il faut pour cela respecter cet esprit mais aussi rassurer en posant d’emblée un cadre conventionnel et financier pérenne et lisible avec des missions et des objectifs clairement affichés. Nous faisons aussi le pari d’une prise de conscience des professionnels de santé pour porter une réponse plus collective à la question de l’accès aux soins dans les territoires. Cette logique fait appel à une forme de responsabilité des professionnels vis-à-vis de la population du territoire qu’ils prennent en charge.

Les CPTS doivent aussi être utiles pour les professionnels de santé. Pour qu’ils s’engagent, ils devront vérifier que les CPTS leur apportent une vraie valeur ajoutée, que ce ne sont pas des objets virtuels, administratifs ou contraignants mais des réponses pour eux, construites avec eux, adaptées à leurs besoins et spécificités. Plutôt que de choisir la voie d’un modèle unique et imposé, nous faisons le pari de miser sur la capacité des acteurs à s’engager. Nous l’assumons.

Lors de la présentation du plan "Ma santé 2022", Emmanuel Macron a déclaré que l’exercice isolé serait une "aberration" d’ici à 2022. Comment convaincre les médecins libéraux réfractaires à un exercice coordonné structuré, protocolisé et donc chronophage ?

Ce qui est chronophage, c’est plutôt d’exercer seul, sans support administratif, sans inscription dans des organisations professionnelles permettant d’assurer la continuité des soins et la gestion des cas complexes. Généraliser l’exercice coordonné, ce n’est ni une lubie ni un luxe. Tous les systèmes de santé performants ont fait ce choix. C’est, pour les prochaines années, l’enjeu essentiel car cela constitue la réponse la plus efficace à la plupart des défis que rencontre notre système de santé : répondre à la tension dans l’accès aux soins, adapter nos organisations à la chronicisation des pathologies, améliorer les conditions d’exercice des professionnels de santé, favoriser le virage ambulatoire en réduisant la pression sur les hôpitaux.

Qu’adviendra-t-il des MSP une fois que les CPTS seront créées ?

Loin d’être concurrentes, MSP et CPTS sont très complémentaires et répondent à des missions qui doivent s’articuler. L’exercice coordonné revêt deux dimensions : une coordination de proximité et une coordination à l’échelle des territoires. Ainsi, les équipes de soins primaires, MSP et centres de santé doivent apporter cette réponse coordonnée de proximité, pour faire face aux besoins de prise en charge des patients au niveau individuel. Mais l’exercice coordonné implique également que les professionnels de santé s’organisent à l’échelle de leur territoire, pour améliorer l’offre de soin et la coordination des parcours. C’est notamment là qu’interviennent les CPTS. Dans ce cadre, les professionnels participent à des missions définies par le projet de santé de la CPTS qui dépassent le champ de leur patientèle propre et qui impliquent souvent d’autres acteurs que les professionnels de santé de ville (établissements sanitaires, médico- sociaux, etc.). Le rôle et les missions des MSP – qui sont d’ailleurs souvent à l’origine de constitution de CPTS – et des CPTS constituent des leviers complémentaires pour améliorer la qualité des prises en charge et l’accès aux soins de premier et second recours, faciliter la continuité des parcours de soins, favoriser et renforcer la prévention, et améliorer les conditions d’exercice des professionnels de santé.

MSP, CPTS, ESP, PTA… Comment le professionnel décide-t-il de la structure à créer au sein du territoire ?

Les professionnels de santé qui ont un projet d’exercice coordonné, qu’il relève d’une coordination de proximité (démarche de prise en charge coordonnée d’une patientèle) ou d’une coordination plutôt organisée à l’échelle d’un territoire (dimension plutôt populationnelle), doivent prendre contact avec l’ARS dont ils dépendent pour examiner ensemble le projet et déterminer la forme d’organisation qui correspond le mieux au projet. Un accompagnement personnalisé est mis en place dans chaque ARS et peut impliquer des échanges avec d’autres acteurs, Assurance maladie, fédérations de professionnels, URPS, etc.

Pôles de santé ou CPTS ?

Publié en août 2018, un rapport Igas précise que les pôles de santé pluriprofessionnels seront "automatiquement transformés en CPTS par la loi (sauf opposition de leur part)". Encourent-ils des sanctions en cas de refus ? La notion de pôles de santé présente antérieurement dans le Code de la santé publique a, en effet, été remplacée par la notion de CPTS (art. L. 1434-12). La transformation du cadre juridique des pôles de santé antérieurement constitués s’opère automatiquement en CPTS, sauf en cas d’opposition des professionnels concernés. En cas de refus de changement des statuts, aucune sanction n’est prévue. D’autant que les financements qui peuvent être alloués, notamment par les ARS, sont liés au projet de santé et non à la dénomination retenue.

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