C'est un plan d'action "coconstruit", "issu des remontées de terrain", qui vise à établir "ce qui était déjà fait" et voir "comment amplifier la mobilisation commune" autour de la prise en charge des patients en ALD sans médecin traitant. Lors d'un webinaire le 11 janvier dernier, l'Assurance maladie et AVECsanté ont présenté aux plus de 800 structures présentes, un "plan d'accompagnement" pour 2024 qui mobilise les maisons de santé, dans le cadre de la démarche nationale relative à la prise en charge de ces patients.

Chaque médecin comptant en moyenne 200 patients MT en ALD, la baisse des effectifs des médecins généralistes (hors MEP) entre 2010 et 2022 – soit 2 650 médecins généralistes en moins (-5%) – a un impact direct sur la prise en charge de ces patients. De plus, chaque année, on compte 300 à 400.000 patients en ALD de plus, soit une hausse annuelle de 2.6%, reprise la Cnam. "Cette augmentation des patients en ALD et en parallèle la baisse du nombre des médecins généralistes libéraux conduit à une augmentation notable du taux de patients sans médecin traitant fin 2023. Un volume qu'on chiffre à environ 750 à 800.000 patients", analyse la Cnam. C'est cette tendance que la Cnam et AVECsanté souhaitent "collectivement casser" en introduisant un plan "d'aller-vers de grand ampleur".
 


Déjà lancé en 2023, ce plan d'action a permis de montrer que l'Assurance maladie et les professionnels sont parvenus à "collectivement casser cette courbe". Et si depuis quelques années, "inexorablement", le nombre de patients en ALD sans médecin traitant était en train d'augmenter, début 2023, la courbe commence à diminuer. "On est passé de 5.60 % en février 2022 à 4.52% à fin novembre 2023, calcule Thomas Fatôme. À fin novembre 2023, si la tendance observée s'était poursuivie, nous serions à 700.000 patients en ALD sans médecin traitant. Nous sommes à moins de 510.000, soit plus de 190.000 patients au-dessous."

"Une équipe de médecins et non un médecin"

Comment et pourquoi mobiliser les maisons de santé sur ce sujet ? Rappelant que "la sollicitation individuelle par médecin peut être un frein à l'acceptation de nouveaux patients", l'idée est de permettre au patient de solliciter de façon collective les professionnels au sein d'une MSP : "Prendre plus de patients à titre individuel, ça peut faire peur. Mais en collectif, c'est la garantie de pouvoir s'aider les uns les autres, d'assurer la continuité notamment en cas d'absence… C'est donc une équipe de médecins qui prend un charge ces patients au sein de la maison de santé", détaille Pascal Gendry, coprésident de la fédération nationale des maisons de santé. Une approche collective en lien avec "de nouvelles pratiques" – c'est "le coup d'après", ajoute-t-il – dont le partage de compétences entre professionnels de santé, et non seulement les médecins, y compris pour les patients en ALD.

 

Ce plan d'accompagnement se traduit par un certain nombre d'actions. Lors de visites dans chaque MSP, les CPAM se verront remettre un profil "patientèle" actualisé présentant le volume de la file active non déclarée MT, les listes nominatives des patients vus au moins une fois par un médecin de la MSP – ce qui permet de communiquer son nom, conformément au cadre RGPD – mais non enregistrés dans la patientèle MT ainsi que le nombre de patients "résidant dans la commune ou les communes limitrophes" de la maison de santé, sans médecin traitant désigné et qui ne figurent pas dans la file active. Leurs noms ne pouvant pas être communiqués, seuls la volumétrie, l'âge et la "localisation exacte" des patients seront précisés.


Lire aussi : Patients en ALD sans médecin traitant : le dispositif Dalia propose "un suivi sur le long terme"

 

L'Assurance maladie propose donc aux MSP d'indiquer les noms des patients de la file active qu'elle peut prendre en charge ou le nombre hors file active, tout en précisant la répartition entre les médecins, pour procéder à l'enregistrement de la déclaration médecin traitant. "Afin d'alléger la charge administrative, si la MSP et les patients sont d'accord", l'Assurance maladie propose que la caisse enregistre elle-même la déclaration médecin traitant. La MSP va également transmettre, "au fil de l'eau" aux référents des organisations coordonnées (ROC) tous les éléments complémentaires pour faciliter le bon déroulement de l'action.

La deuxième partie du plan d'action s'attachera à anticiper les cessations d'activité des médecins en s'appuyant sur les MSP. Le ROC va ainsi transmettre la cartographie des patients qui pourraient potentiellement se retrouver sans médecin traitant à court ou moyen terme – en indiquant le type de patient. La MSP se chargera, pour sa part, de répartir la charge de cette patientèle entre les médecins de l'équipe. "Pour la patientèle de la MSP, celle-ci indique au ROC si elle souhaite que la CPAM organise la déclaration de la réaffectation médecin traitant aux médecins désignés", avec l'accord du patient, ou "si elle accepte de nouveaux patients jamais vus", détaille l'Assurance maladie. Enfin, la CPAM contacte, si besoin, l'assuré pour enregistrer les déclarations médecin traitant avant d'informer les médecins de la MSP des patients nouvellement intégrés.

 

Lire aussi : Où y a-t-il le plus de patients en ALD sans médecin traitant en France ?

 

Mi-2024, l'Assurance maladie fera un bilan avant/après de la prise en charge des patients ALD par les médecins traitants en MSP. Un comité de suivi national sera mis en place "très très rapidement" avec la fédération nationale des maisons de santé, pour partager les "actions réussies, mais aussi les freins et les outils à proposer". Une campagne de communication sera également diffusée par AVECsanté.

"Ce n'est pas une opération one-shot, se réjouit Pascal Gendry. On s'inscrit dans quelque chose de pérenne, dans du suivi, de la montée en charge et de l'accompagnement. Les MSP ont, dans leur ADN et leur projet de santé, cette vocation à travailler à l'amélioration de l'accès aux soins. Nous sommes tous surbookés mais face à ce problème de santé publique, on se doit de faire quelque chose. Nous, MSP, devons d'apporter notre pierre – pas la seule – à l'édifice. Et cette mobilisation va s'étaler sur du long terme."

Consciente que "le plus dur est devant nous", Marguerite Cazeneuve, directrice déléguée de la Cnam insiste sur le fait qu'"il faut construire aujourd'hui un mécanisme pérenne pour les années à venir" :  "On a besoin de prendre le problème tout de suite et tous ensemble, pour trouver une solution qui permette de gérer les départs à la retraite et l'accueil de patientèles orphelines." Un "challenge", lance Pascal Gendry : "C'est un enjeu pour les maisons de santé de démontrer la plus-value de l'exercice en équipe, en pluriprofessionnalité, en équipe de médecins pour prendre en charge plus de patients."

 

RETOUR HAUT DE PAGE