L’initiative est née en 2017 quand les professionnelles de santé de la maison de santé entendent parler, lors d’un colloque, d’une enquête similaire menée par une médiatrice du centre communautaire de santé d’Échirolles, en banlieue de Grenoble. Par ce travail, ils voulaient sortir de la parole publique, "succédanée de la parole divine : qu’elle soit institutionnelle, politique, scientifique, médiatique, c’est la parole de ceux qui savent, ou prétendent savoir", écrivent-ils dans leur édito.
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L’une des originalités de ce travail est que la parole des habitants est recueillie par des habitants, et non directement par les professionnels de santé à l’origine du projet. Elle est ainsi plus libre, moins "intimidée", moins orientée sur les aspects purement médicaux. En 2018, des binômes médiateurs (salariés des maisons de santé) et des habitants-relais sont donc formés, avec l’aide de l’association Migrations Santé Alsace, pour apprendre à adopter une posture équilibrée entre proximité et distanciation, propice au recueil de cette parole. "Migrations Santé Alsace, qui assure notamment des missions d’interprétariat, leur a appris comment accueillir une parole parfois “chargée”, comment gérer l’émotion, comment respecter la confidentialité...", explique Anaïs Cayla. Et c’est en 2019 que les entretiens ont lieu : dans les parcs, les allées des marchés, les centres socioculturels, les foyers d’hébergement, les mosquées, au domicile des habitants… Une centaine de témoignages sont ainsi recueillis. Le traitement des données a été retardé par la pandémie, mais une restitution vient d’être publiée fin 2022.