On connaît le primum movens [première impulsion, NDLR] de la diversification des métiers de la santé prônée par les responsables ministériels (en réalité, à l’échelle de l’ensemble des pays développés) : il s’agit avant tout de « libérer du temps médical ». En particulier pour pallier le déficit actuel de médecins, ressenti par nombre de patients et régulièrement dénoncé par les édiles politiques locaux. De là, des tentatives de redéfinir le contour des métiers qui se sont heurtées à divers corporatismes et inerties. Seuls, ou presque, les infirmières (Asalée, relayées depuis par les infirmières en pratique avancée) ou certains orthoptistes, sages-femmes et pharmaciens ont engagé les choses et démontré le bien-fondé de ces redéfinitions.

Mais les possibilités de libérer du temps médical (ou, mieux, de « recentrer » le médecin sur ses compétences) se sont elles-mêmes diversifiées. Se sont ainsi révélées tout récemment des fonctions, sinon professions, dites « supports » de l’activité des médecins ou plus largement des professionnels de plus en plus souvent regroupés. D’abord, les coordinatrices de soin, puis de manière plus inattendue, les assistants médicaux (qu’il aurait été plus pertinent de nommer « assistants de santé »). Pour ces deux cas, on peut formuler deux remarques.

D’abord à l’international, où l’on voit apparaître ces coordinateurs dans la plupart des pays développés. Ainsi en Grande-Bretagne ou aux États -Unis, le terme qui semble s’imposer pour décrire les compétences et fonctions de coordinatrice est celui de navigator(1). On peut ainsi lire avec profit un guide produit par le NHS britannique et intitulé « Care Navigation: A Competency Framework ». Puis, en se limitant à l’Hexagone, où l’arrêté publié au Journal officiel le 13 novembre dernier précise les professionnels qui vont pouvoir exercer en tant qu’assistants médicaux(2) : « Les détenteurs des qualifications professionnelles suivantes : le diplôme d’État d’infirmier (DEI) ; le diplôme d’État d’aide-soignant (DEAS) ; le diplôme d’État d’auxiliaire de puériculture (DEAP) ; le certificat de qualification professionnelle (CQP) d’assistant médical. » Donc, de fait et pour l’essentiel, des professionnels de santé.

Travailleurs sociaux et aidants familiaux

Reste deux autres catégories – trop souvent méconnues – et qui contribuent largement à libérer du temps médical (en améliorant très sensiblement les services aux malades). Ce sont les travailleurs sociaux et, de plus en plus, les « aidants » familiaux ou non. Justement, deux publications viennent de souligner leur importance.

La première, sous la signature de cliniciennes du département de médecine du Weill Cornell à New York, quantifie le sujet (plus de 40 millions de patients américains dépendent d’aidants familiaux bénévoles), clarifie leur rôle (contribution au dossier médical, analyse des compétences en lien avec les soignants et respect du malade) et établit une typologie des aidants dans un intéressant tableau.

La seconde, d’une enseignante de l’école de médecine de l’université du Massachusetts, commente favorablement une intervention – randomisée – ayant démontré l’utilité d’une équipe de coordonnateurs(trices) de soin auprès de malades atteints de démence et de leurs aidants au domicile, en lien avec les soignants. Ainsi au terme d’un suivi d’une année, la qualité de vie des malades était améliorée, les aidants allaient beaucoup mieux, et la fréquence des ruptures dans la continuité des soins était moindre par rapport au groupe « usual care ». Qui dit mieux ? 

1. Le terme découle du latin navis (bateau) et agere (conduire).

2.  Pour mémoire, les medical assistants sont plus de 550 000 en Amérique du Nord (presque autant que les médecins), et en forte croissance. 

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