"Un nouveau rebondissement dans l’affaire « Accès aux soins » :

Depuis les annonces de "Ma Santé 2022", remontant déjà à septembre 2018, les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS de leur petit nom) représentent l’un des outils principaux de l’arsenal pour transformer le système de santé. Dès la parution de l’accord conventionnel interprofessionnel (ACI) des CPTS, leur convention avec l’Assurance Maladie, les CPTS se sont vu attribuer des missions de service public parmi lesquelles on retrouve l’accès aux soins.

Dès lors, en 2019, il est demandé aux CPTS d’organiser ces fameux SNP (soins non programmés).

Les soins non programmés, ce sont des consultations qui répondent aux besoins des patients souffrant d'un problème de santé qui ne relève pas de l'urgence vitale, mais dont la prise en charge ne peut être ni anticipée, ni retardée. Les patients doivent être pris en charge dans les 48 heures. Cela représente une part non négligeable de l’activité de médecine générale. Leur prise en charge en ville permet d’éviter d’engorger inutilement les urgences par ailleurs (évoqué lors du Pacte de Refondation des Urgences en 2019 justement).
 

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Beaucoup de CPTS ont donc mis en place des solutions innovantes pour organiser les SNP. Des professionnels ont investi des moyens et de l’énergie pour choisir leur organisation, pour se doter d’une solution numérique à l’échelle d’un territoire ou encore, pour créer un numéro d’appel permettant d’orienter les patients.

C’est le cas de plusieurs CPTS : de Haute-Savoie, dont la CPTS du Bas-Chablais, de la CPTS du Pays de Redon au carrefour de la Bretagne et des Pays de la Loire, et de bien d’autres encore.

Pourtant, parallèlement, le national a changé de cap pour tout miser sur le Service d’accès aux soins (SAS). Le SAS est construit à l’échelle de chaque département, et a pour vocation de gérer les demandes de SNP via une régulation assurée par le centre 15. On appelle même les salariés chargés de cette régulation : des OSNP, opérateurs de SNP !
 

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Les CPTS, ces petits monstres d’agilité, ont déployé ces organisations en quelques mois (post ère COVID le plus souvent).

Elles se sont, pour la plupart, rapprochées de ce nouvel acteur hybride ville-hôpital que représente le SAS afin de chercher des modalités d’articulation entre leur organisation territoriale et cet acteur départemental.

Pour exemple, la CPTS Pays de Redon, par sa localisation, a ainsi affaire au SAS 35, au SAS 44 et bientôt au SAS 56 ! Ou encore, la CPTS du Bas-Chablais (74) fait partie intégrante du SAS 74, dans un cadre contractualisé.

Pourtant, malgré ces efforts, il semblerait que les institutions choisissent de supplanter les stratégies territoriales par des logiques descendantes.

En effet, après avoir été soutenue et encouragée par la CPAM 74 et l’ARS Auvergne Rhône Alpes, alors même qu’elle s’investit pleinement avec les établissements hospitaliers du secteur et le centre 15 de leur département, la CPTS du Bas Chablais doit revoir sa copie. Car la CPAM 74 refuse de rémunérer les médecins généralistes recevant des patients en SNP via le système instauré par la CPTS. Elle exige que tous les appels passent par le 15, et que celui-ci soit le seul habilité à attribuer les rendez-vous de SNP sur les créneaux des médecins de la CPTS du Bas-Chablais... Alors même que plusieurs centres 15 sont dans l’incapacité de gérer davantage d’appels et que les régulateurs ont exprimé l’intérêt de s’appuyer sur des organisations territoriales que les CPTS proposent.

Il s’agit pour nous d’une interprétation très hasardeuse des dernières consignes ministérielles qui stipulent que "d’autres types d’organisation", que la régulation à la demande du 15, peuvent mener à cette rémunération.

En juillet 2022, il est stipulé :

source : https://www.legifrance.gouv.fr/download/pdf/circ?id=45348

En novembre 2022, une autre instruction paraît :

source :  https://www.legifrance.gouv.fr/download/pdf/circ?id=45382
 

Pour rappel, il s’agit ici d’une majoration de 15 euros pour un patient inconnu.

Il suffirait donc que les CPTS indiquent à la CPAM vers quel médecin est orienté le patient pour son créneau de SNP pour que ce dernier soit rémunéré pour cet acte.

Ce n’est pourtant pas la réponse de la CPAM 74 ni des représentants du gouvernement lorsqu'on les questionne sur ces incohérences.

Alors même que ces organisations ont montré leur intérêt à l’échelle territoriale, que les centres 15 rencontrent régulièrement des difficultés à gérer tous les appels : les logiques locales sont niées et l’investissement des médecins qui donnent de leur temps pour les patients n’est pas valorisé ?

Par les temps qui courent, cela ressemble à une mauvaise plaisanterie."


Tribune signée par :
- Antoine Moutel, médecin généraliste et président de la CPTS Pays de Redon  
- Matthieu Bouvrais, médecin généraliste et président de la CPTS du Bas-Chablais
- Ludivine Gauthier, coordinatrice de la CPTS Pays de Redon
- Cécile Déturche, coordinatrice de la CPTS du Bas-Chablais

 
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