"Aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l'avortement. Il suffit d'écouter les femmes. C'est toujours un drame et cela restera toujours un drame." Le 26 novembre 1974, Simone Veil, alors ministre de la Santé sous la présidence de Valéry Giscard d'Estaing, présentait une loi et prononçait un discours qui allait changer la vie et la santé de nombreuses femmes. Le 17 janvier 1975, la loi Veil était formellement adoptée et l'avortement officiellement dépénalisé en France. Presque cinquante ans plus tard, dans la soirée du 4 mars 2024, députés et sénateurs étaient à nouveau réunis en congrès, cette fois-ci à Versailles, afin de procéder à un vote historique : l'introduction dans la Constitution de la Ve République, du droit à l'interruption volontaire de grossesse (IVG). L'issu du vote est sans appel : des 902 votants, 780 voix pour et 72 contre. Et 92% des suffrages exprimés, un score largement supérieur aux 60% requis pour l'adoption du texte. Si "l'avortement n'est jamais une victoire", comme l'avait déclaré l'ancienne ministre décédée en 2017, ce vote lui l'est pour d’innombrables femmes. Désormais, aucun gouvernement de la Ve République doté d'une majorité au Parlement ne pourra contraindre excessivement ou abolir ce droit dorénavant garanti.

À Bourges dans le Cher (Centre-Val-de-Loire), le centre de santé sexuelle reçoit donc les hommes et femmes de tous âges, afin de répondre à leurs interrogations et les accompagner sur des questions relatives à la sexualité, la contraception, le couple, les dépistages de infections sexuellement transmissibles (IST), mais aussi à l’interruption volontaire de grossesse. "Ici, on ne guide pas, mais on écoute", rapporte au Berry Républicain, Célia Cheminal Lecland, médecin généraliste de PMI du Département, qui officie une demi-journée par semaine dans ce centre de santé. Cette structure offre à toutes les femmes qui souhaiteraient recourir à une IVG, la possibilité de le faire avec un parcours bien établi.

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Le premier contact s'effectue avec la secrétaire, qui évalue l’urgence de la situation. "On demande d’abord si c’est une suspicion de grossesse, ou si elle est en sûre après avoir fait un test ou une prise de sang. Ça nous permet de savoir l’état de grossesse et le degré d’urgence de la prise en charge, précise la médecin au journal local. Quand on n’est pas sûr, on peut attendre un peu, sinon on prend en urgence. Tout dépend aussi de l’état psychologique. Si une femme arrive en pleurs, totalement désemparée, on la prend en charge au plus vite."

 

"On ne fait jamais la morale"

En cas de décision claire et nette, le centre de santé fournit à la femme les informations dont elle a besoin, et l’oriente vers les centres hospitaliers de Vierzon, de Bourges ou de Saint-Amand-Montrond, tous en capacité de réaliser une IVG médicamenteuse ou instrumentale. Le choix est fait en fonction de l’ancienneté de la grossesse. Depuis 2022, il est possible d’obtenir par téléconsultation des ordonnances prescrivant les médicaments pour pratiquer une IVG. Par ailleurs, un arrêté publié le 1er mars, revalorise de 25% les tarifs de l'IVG, remboursés par l'Assurance maladie.

Mais si la personne émet des doutes, un tout autre parcours va se mettre en place. "Il y a d’abord une première consultation. La patiente raconte pourquoi elle doute, ça peut être par rapport au travail, à la situation familiale. Notre rôle est alors de lui donner toutes les informations dont elle a besoin pour prendre sa décision", indique la médecin au journal local. On travaille aussi avec des associations quand il y a, par exemple, une rupture familiale. C’est dans l’esprit de la loi Veil de donner aux femmes toutes les informations. On s’adapte toujours à chaque situation et c’est elle-même qui prend la décision finale."

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Des entretiens pré-IVG, réalisés par les assistances sociales ou la conseillère conjugale du centre de santé sexuelle, sont proposés mais ils sont obligatoires pour les mineures. "Lors d’une consultation, une femme peut être accompagnée du compagnon, d’un parent, peu importe… Mais l’entretien pré-IVG se fait, lui, seul avec la patiente. Pour les mineures, ça permet de s’assurer qu’elles prennent la décision sans pression familiale." La jeune femme mineure doit ensuite choisir la personne majeure pour l’accompagner lors de l’IVG. "Ça peut être n’importe qui, mais nous rencontrons la personne auparavant systématiquement."

En 2023, le centre de santé a assuré 68 consultations IVG, dont 20 pour des mineures, et 37 entretiens pré-IVG avec les 20 mineures. "Beaucoup d’entre elles ne pensaient pas pouvoir tomber enceinte, pour plusieurs raisons, rappelle Célia Cheminal Lecland. C’est pourquoi on essaye aussi d’aborder, quand c’est possible, la question de la contraception, mais on ne fait jamais la morale. Dans certains cas, on prévoit déjà de mettre quelque chose en place, après l’IVG, comme une pose d’un stérilet par exemple."

 

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