3 questions au Dr Pierre Simon*, néphrologue et juriste de la santé. 

Quels sont les obstacles au déploiement de la télésurveillance ?

Il n’y a plus d’obstacle de l’Assurance maladie et plus d’obstacle administratif non plus, puisque la partie du décret contraignant les promoteurs de télémédecine à passer contrat avec l’ARS a été supprimée. Aujourd’hui, le principal frein au développement de la télémédecine, ce sont les professionnels de santé, notamment par manque de formation. Je regrette qu’il n’y ait pas eu de campagne de formation des médecins à la télémédecine, comme ce qui se fait aux États-Unis ou en Australie, et cela malgré les demandes de plusieurs organismes, dont la Société française de télémédecine et le Conseil de l’Ordre des médecins. Une bonne nouvelle cependant : dans un arrêté du 23 décembre 2018, la télémédecine fait enfin partie des programmes du DPC. Mais avant qu’il y ait un impact réel sur la formation des médecins, il faudra compter plusieurs mois. La télémédecine est pourtant une évolution naturelle de la médecine au XXIe siècle, qui se développe dans tous les pays. Il va falloir former les futurs médecins à cette nouvelle approche en développant l’esprit de prévention plutôt que l’esprit de soin.

Quels sont les gains médico-économiques ?

15 millions de personnes sont atteintes de maladies chroniques en France. L’expérimentation tarifaire proposée dans le programme Étapes vise à réduire de 8 à 10 milliards d’euros par an la dépense hospitalière qui pourrait être transférée sur de nouvelles organisations de soins, notamment à domicile. L’Assurance maladie a fait une étude : 350 000 Français sont hospitalisés chaque année pour insuffisance cardiaque, ce qui représente un coût de 2 milliards d’euros. Si 50  % des malades étaient surveillés à domicile, en évitant des complications, il y aurait 1 milliard d’euros de moins de dépenses pour cette maladie. Dans les Ehpad, 400 000 résidents sont hospitalisés tous les ans, avec une durée moyenne de séjour de 10 à 15 jours. Les gériatres estiment que des téléconsultations régulières permettraient de prévenir ces complications bien avant qu’il soit nécessaire d’hospitaliser le patient. Avec la télésurveillance, on agit sur des volumes de dépenses hospitalières importants, en permettant de réinjecter cet argent dans des organisations nouvelles et de surveiller beaucoup plus de patients.

Comment la télésurveillance s’inscrit-elle dans les soins primaires ?

La télésurveillance des maladies chroniques ne doit pas être faite simplement par les spécialistes. L’idée est que le médecin généraliste soit le coordonnateur des soins et s’appuie sur le spécialiste via des actions de télé-expertise pour bien orienter la prise en charge des patients. C’est bien évidemment l’avenir ! Dans les établissements de soins primaires, la mission des généralistes sera de suivre les maladies chroniques à domicile avec les outils du numérique.

* Pierre Simon a terminé sa carrière au ministère de la Santé, où il a écrit le rapport ministériel sur la télémédecine qui a donné lieu à la définition de la télémédecine dans la loi HPST de juillet 2009. Président de 2010 à 2015 de la Société française de télémédecine qu’il a fondée, il accompagne désormais des projets en France et à l’étranger.

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