Article publié dans le numéro de mars de Concours pluripro

 

 

Le contexte

Chaque année, entre 10 000 et 30 000 décès seraient attribuables à un événement indésirable grave (EIG) médicamenteux, indiquait un rapport sur la surveillance et la promotion du bon usage du médicament en France, en 2013. Des chiffres inquiétants, d’autant qu’entre 30 et 50 % de ces événements seraient évitables, estimait l’enquête Eneis sur les EIG liés aux soins, en 2009. Pourtant, si la France "est l’un des pays développés ayant le plus fort taux de consommation de médicaments par habitant, la prise en charge médicamenteuse est une des organisations les moins bien sécurisées en regard de l’utilisation de produits considérés comme dangereux", note le cahier des charges de l’expérimentation Medisis. Une situation qui, "tant du fait de maladies et complications non traitées ou non prévenues que d’iatrogénie inutilement induite, constitue un fardeau financier considérable", poursuit le document. Soit des surcoûts induits estimés comme "probablement supérieurs à 10 milliards d’euros par an".

                                                      
Source : Enquête Eneis sur les événements indésirables graves liés aux soins, 2009

 

Si les résultats de la certification des établissements de santé et les indicateurs de la qualité et de la sécurité des soins de la Haute Autorité de santé (HAS) montrent que la sortie d’hospitalisation est "insuffisamment structurée", deux éléments expliquent la majoration du risque d’EIG : le non-respect des délais de transmission de la lettre de liaison et le fait que seul le médecin traitant bénéficie de l’information. Quant aux prescriptions médicamenteuses, elles "ne sont sécurisées ni par la conciliation des traitements aux admissions et sorties ni par les analyses pharmaceutiques en raison de leur faible implantation", précise le cahier des charges.

En 2006, un projet international, dénommé High 5s, initié par l’Organisation mondiale de la santé, comptait la participation de la France à la thématique de la précision informationnelle de la prescription des médicaments aux points de transition du parcours de soins du patient. Avec notamment le centre hospitalier de Lunéville comme établissement pilote du projet Med’Rec (Medication Reconciliation), qui a impliqué neuf établissements de santé. Résultat de l’expérimentation (2010-2015) : une erreur médicamenteuse par patient détectée et corrigée à l’admission. Ainsi, pour 22 863 patients âgés de 65 ans et plus, hospitalisés via les urgences, 21 320 erreurs médicamenteuses ont été corrigées et 23 720 modifications de prescription expliquées grâce à la conciliation des traitements. Une analyse des caractéristiques de ces erreurs a démontré que "l’omission des médicaments est la principale nature des erreurs médicamenteuses interceptées et corrigées grâce à la conciliation", note le rapport d’expérimentation, soit plus de 40 % des erreurs médicamenteuses.

"Ce projet nous a éclairés sur le fait que les points de transition entre la ville et l’hôpital étaient un désastre pour le médicament, se souvient Édith Dufay, pharmacienne clinicienne au CH de Lunéville. Nous avions une moyenne de 2 erreurs par patient, et nous sommes allés jusqu’à 19 erreurs ! Certes, on trouve quelques erreurs de prescription mais, à l’origine, c’est parce que le médecin hospitalier n’avait pas la bonne information pour prendre en charge le patient : il ne connaît pas tous ses traitements, le patient n’est pas en mesure de les lui communiquer… La meilleure source d’information est le pharmacien d’officine via notamment le dossier pharmaceutique. Ce qui a aidé à trouver la bonne liste des médicaments pris à domicile et, à partir de là, le médecin pouvait construire la nouvelle prise en charge médicamenteuse. Mais si on avait tout mis en place pour avoir le maximum d’informations à l’admission, à la sortie d’hospitalisation, on ne faisait pas une bonne transmission au médecin traitant, au pharmacien d’officine ou à l’infirmière libérale." Alors qu’une étude américaine sur la réingénierie de la sortie d’hospitalisation a démontré qu’en réorganisant cette sortie, tout en assurant la continuité des soins grâce à un relais par des professionnels de ville, il était possible de "diminuer les réhospitalisations à trente jours de plus de 20 %", précise-t-elle.

 

 

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