A l’évidence, la crise sanitaire a recentré l’attention de tous – médias, politiques, gestionnaires, malades et population générale – sur les soins critiques. Dans ces conditions, le vaste mouvement de réorganisation des systèmes de soins, perceptible dans l’ensemble des pays développés depuis l’avènement des années 2000, a semblé marquer le pas. En réalité, il n’en est rien, et les choses avancent, en France comme dans les autres pays. Simplement, l’attention des médias est ailleurs. On peut donc profiter de cette parenthèse pour rappeler les "fondamentaux" de la réorganisation en cours.

Avant tout, éviter les ruptures dans les prises en charge (entre la ville et l’hôpital, entre le médical et le social, entre le curatif et l’éducatif, etc.) et fluidifier les relations entre l’ambulatoire et les plateaux techniques. On sait bien que ces ruptures et retards sont à l’origine d’évolutions compliquées, incluant le désarroi des malades ou des surcoûts financiers. Ensuite, mieux prendre en compte les évolutions épidémiologiques et sociétales qui font que les malades vieillissent et leurs comorbidités s’alourdissent, que les patients s’émancipent et que les professionnels aspirent à des conditions d’exercice renouvelées.

Une tendance forte au regroupement

De là résulte une série d’évolutions initiées en Scandinavie, Australie et outre-Atlantique, véhiculées par des publications principalement de langue anglaise, identifiées par des termes étrangers ou plus ou moins francisés (integrated clinical care, patient-centered, clinical team : parcours, expérience-patient, exercice coordonné, équipe pluriprofessionnelle…).

En pratique, cela se traduit par une tendance forte au regroupement des médecins et autres professionnels de santé ou travailleurs sociaux, un regroupement facilité par un numérique enfin fonctionnel mais inégalement maîtrisé et, le cas échéant, un regroupement territorialisé. Reste les modalités de rémunération, pour lesquelles, singulièrement en France, l’introduction de "forfaits" éventuellement bonifiés apparaît menaçante à une large part du corps professionnel attaché à "l’acte" (d’autant que l’entité bénéficiaire du forfait pourrait être l’équipe et non plus l’individu).

Tout cela a été réfléchi, théorisé, projeté, en particulier* aux États-Unis où la réforme Clinton-Obama constituait une opportunité de choix, dans un pays confronté à des dépenses de santé maximales, alors que les principaux indicateurs sanitaires n’étaient guère satisfaisants.

On peut ainsi relire deux papiers publiés dans le New England Journal of Medicine en 2012 et 2014 par deux médecins et leaders professionnels. Le premier est David Blumenthal, un moment chairman du Commonwealth Fund, organisation non gouvernementale dédiée à la santé. (propos illustré ci-contre). Le second est Richard J. Baron, interniste de terrain à Philadelphie puis patron du puissant American Board of internal medicine. Il indique sobrement les neuf points clés d’une structure de soins primaires. Nos ESP, MSP ou CPTS pourraient s’y référer.


Légende : 65 % des dépenses de santé sont « consommées » par 10 % de la population
Source : David Blumenthal, mai 2012

Et dans tous ces pays, les expérimentations ou prototypes ont été appelés ou soutenus par les leaders professionnels, les pouvoirs publics ou les investisseurs privés ; tout comme nos "articles 51". Cependant, les choses peuvent être plus aisées là où la même organisation intervient aussi bien en ambulatoire qu’en établissement. C’est le cas notamment de la Mayo Clinic ou du Kaiser Permanente aux États-Unis. Dans ces cas, "l’opposition" entre ville et hôpital n’a pas de raison d’être.

Et les résultats probants ont été constatés, comme ce programme de prévention du diabète, sur plus de 3 000 sujets "coachés" sur deux ans afin de réduire leur poids et accroître leur activité physique. Objectifs atteints. Également traduits par une réduction de leurs dépenses de santé (en particulier d’hospitalisation), ce qui constitue un critère d’évaluation particulièrement prisé aux États-Unis.

NOTE

* mais aussi dans un « petit » pays européen, le Danemark (5 millions d’habitants), quelquefois cité en exemple.

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