Article publié dans Concours pluripro, septembre 2021, p. 50.

 

Les Français sont-ils contradictoires ? C’est l’avis de Pierre Corvol, qui montre que, d’une part, nos concitoyens s’intéressent de plus en plus aux actualités scientifiques et font preuve d’un grand optimisme vis-à-vis de ce que la médecine pourrait nous apporter – guérir le cancer et le sida, prévenir la maladie d’Alzheimer, créer un être bionique… –, alors que, d’autre part, ils sont ultraméfiants envers les OGM, l’intelligence artificielle, un grand nombre de médicaments, sans oublier les vaccins ! "La confiance accordée dépend de ce que le public perçoit comme un progrès", analyse-t-il.

Un paradoxe loin d’être franco-français, et qui ne date pas d’aujourd’hui, estime Henri Bergeron : "Aux États-Unis, à l’époque où la médecine allopathique n’avait pas encore fait preuve de son efficacité, elle obtient le monopole contre les alchimistes de tout genre – sans doute grâce à l’activisme de l’American Medical Association. De nos jours, alors que nombre de traitements médicamenteux montrent leurs bénéfices, ils sont attaqués… Et les patients se tournent de plus en plus vers l’homéopathie. Au final, il n’existe pas de lien strict d’implication entre efficacité et capacité à susciter la confiance !"

Les deux intervenants de la session admettent que des scandales publics, comme le procès du Mediator, les erreurs de communication autour de la nouvelle formulation du Levothyrox ou le flottement des décisions dans le cadre de la vaccination contre le virus H1N1 en 2009, ne sont, à l’évidence, pas étrangers à l’incertitude de la population et à l’irruption d’infox et autres théories du complot en matière de santé. Mais selon Pierre Corvol, les Français réagissent ainsi car ils aspirent avant tout à "une liberté de décision individuelle". Il regrette également que la culture de la prévention en santé soit "trop faible, du côté des patients comme de l’enseignement médical". Cette défiance est plus que jamais prégnante dans le cadre de la vaccination contre le Covid-19. "Et pourtant, le monde médical a réalisé un tour de force, assure le professeur. En quelques mois seulement, on a abouti à son séquençage et développé des vaccins à ARN, dans l’objectif de ralentir, voire stopper, la pandémie. Au lieu de s’en réjouir, les Français se montrent méfiants, et beaucoup ont rejeté d’emblée la vaccination, y compris parmi les soignants."

Il est difficile de confier son sort et d’accepter une parole qu’on ne comprend pas toujours
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